Rolex n’a pas d’histoire et n’est pas inscrite dans la durée. «Elle est hors temps».
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culture & nature - Un ouvrage de référence sur Rolex
Une histoire passionnante et si helvétique
Alors que la célèbre marque horlogère s’apprête dans quelques mois à installer une nouvelle unité de production à Bulle/FR, et aussi curieux que cela puisse paraître, Rolex, première marque horlogère du monde depuis plus de cinquante ans, n’avait jamais fait l’objet d’un livre issu d’une recherche historique indépendante. C’est désormais chose faite avec l’ouvrage, qui est en cours de réimpression en raison de son succès, réalisé par l’un des principaux spécialistes de l’histoire de l’industrie horlogère, Pierre-Yves Donzé, professeur invité à l’Université de Fribourg et professeur à l’Université d’Osaka.
Basé sur l’exploitation d’archives conservées en Suisse, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, le livre «La fabrique de l’excellence – Histoire de Rolex» (Editions Livreo-Alphil) offre un regard nouveau sur les conditions qui ont permis à Rolex de s’imposer sur le marché mondial. Des tâtonnements initiaux de Hans Wilsdorf pour développer une montre originale au cours de l’Entre-deux-guerres à la stratégie marketing révolutionnaire mise en œuvre dans les années 1960 par André Heiniger grâce à la collaboration avec l’agence publicitaire américaine J. Walter Thompson, le livre illustré de Pierre-Yves Donzé, auteur de nombreux ouvrages sur l’industrie horlogère suisse et mondiale traduits en plusieurs langues, explore l’évolution historique d’une marque de montres devenue l’expression de la réussite individuelle.
Un savoir-faire doublé
d’un faire-savoir
Ce récit passionnant et très documenté est devenu en quelques semaines un succès de librairie, nécessitant une réimpression du titre. Est-ce dû à la fascination qu’exerce la marque Rolex? Chacun sait, grâce à Nicolas Sarkozy, que si «on n’a pas une montre Rolex à cinquante ans, on a raté sa vie». Mais c’est surtout le fait que Rolex concentre dans ses produits horlogers un précipité des valeurs helvétiques qui explique son succès et accessoirement celui du livre contant son histoire pour la première fois: précision, goût du travail bien fait et du détail, fiabilité, haut degré de technicité, utilisation de belles matières, bref un savoir-faire d’excellence promu par un faire-savoir très bien pensé. Un ouvrage incontournable pour comprendre le succès phénoménal de l’horlogerie suisse.
Rolex s’est en effet imposée comme l’une des marques les plus fortes au monde. Pour quelles raisons? L’Ajoulot Pierre-Yves Donzé a expliqué au micro de nos confrères de RTN qu’«il restait toujours une interrogation qui était liée au succès de Rolex. Ce n’est pas n’importe quelle marque, c’est la plus importante marque horlogère du monde, depuis plus de 50 ans. Et l’histoire de cette marque était difficile à comprendre».
Un discours sur l’excellence
qu’incarne un objet d’excellence
Répondant à cette incompréhension, Pierre-Yves Donzé explique dans son livre que le succès de Rolex, «c’est la rencontre entre le génie industriel suisse, qui permet de fabriquer des montres d’excellence, et le génie marketing américain, qui permet de développer un discours sur l’excellence». L’historien relève que Rolex va au-delà de la montre elle-même, considérée comme un objet porté par des gens exceptionnels. Ce discours, mis au point dans les années soixante, ne visait plus à communiquer sur la précision de la montre, mais sur l’excellence des gens qui la portaient.
Contrairement à d’autres marques horlogères, Rolex ne multiplie pas les modèles, mais réinvente ceux qui existent. «C’est précisément de là que vient l’avantage compétitif de cette marque. Elle a mis au point un certain nombre de modèles entre 1945 et 1963, qu’on appelle iconiques. Et à partir du moment où l’on considère qu’on a mis au point l’excellence incarnée dans des montres, il n’y a plus de sens à lancer de nouveaux modèles». Car comme le relève l’historien, Rolex n’a pas d’histoire et n’est pas inscrite dans la durée. «Elle est hors temps. C’est un mythe, une croyance, une quasi-religion», écrit Pierre-Yves Donzé dans l’introduction de «La fabrique de l’excellence».
Laurent Passer
Pierre-Yves Donzé.
