lectures - Au coin du feu
Des livres pour les longues soirées d’hiver
Eh oui! Bien que les jours aient recommencé à s’allonger, l’arrivée tardive mais marquante du froid donne envie de délaisser les envahissants écrans pour s’offrir des soirées de lecture. Une petite sélection de février.
Hommage à Ellenberger
Jean-Marie Ellenberger, architecte bernois décédé en 1988, était un admirateur de Le Corbusier qui a profondément marqué le paysage romand, singulièrement genevois (avec l’ancienne aérogare de Cointrin) et valaisan (des sanatoriums de Montana à Super-Crans). La place des Nations porte sa griffe (concours d’aménagement gagné en 1934), tandis que pour Cointrin, associé à Camoletti, Jean-Jacques Honegger et Quiétant (1944-1949), il s’inspire d’Auguste Perret, le grand architecte français qui sera ensuite le «père» de la reconstruction du Havre, rasé par les bombardements alliés. Ellenberger, frappé par la tuberculose juste après la guerre, fait un séjour à la Clinique genevoise de Montana, ce qui le conduira à travailler sur les «sanas» du Haut-Plateau, puis à bâtir entre autres la tour de Super-Crans (1968). Mais Ellenberger, grand voyageur, dessinateur talentueux, cavalier émérite, passionné de Paul Valéry, bâtit aussi un musée à Lucerne pour Hans Erni, édite une revue d’architecture, et crée de nombreuses églises, dont celle de Verbier, Sainte-Croix à Sierre ou Sainte-Jeanne-de-Chantal à Genève. A la fin de sa vie, Ellenberger avait également conçu le projet de grande Traversée de la Rade à Genève. Paru il y a quelque temps chez Slatkine, «Jean-Marie Ellenberger, un architecte moderne», l’ouvrage de Sylvie Doriot Galofaro se lit comme un roman.
«Jean-Marie Ellenberger, un architecte moderne», par Sylvie Doriot Galofaro. Editions Slatkine, 210 pages.
Le Léman comme un miroir
Le Dr François Ventura, qui exerce la médecine à Genève et à Lausanne, a un violon d’Ingres, la photographie. Et un talent exceptionnel. De Lutry, il a photographié le lac quatre mille fois, à des heures et sous des ciels différents, puis a sélectionné les plus beaux de ses clichés qu’il publie dans un superbe ouvrage, «Miroir du Léman». Des citations d’auteurs classiques ou plus récents, choisies avec subtilité, accompagnent ces vues. Vaudois pur sucre, François Ventura a néanmoins laissé passer dans ces exergues plusieurs «lac de Genève», ce qui tranquillisera les géographes. Cet hymne photographique, osons le mot, est un chef-d’œuvre de beauté, à l’image de ce lac dont Cocteau disait «Nul, sinon Dieu, n’est responsable de son décor».
«Miroir du Léman – Lake a Mirror», par François Ventura. Editions Favre, 144 pages.
Alternatives au gazon
Lorsque Olivier Filippi a rédigé, voilà deux ou trois ans, les textes de son ouvrage consacré aux possibilités de remplacer le gazon par d’autres plantes, il visait prioritairement les jardiniers et lecteurs des régions méditerranéennes, confrontés à la sécheresse. Mais l’été 2022 a montré que sous les latitudes de notre Helvétie, l’herbe n’était pas toujours plus verte, ni plus facile à entretenir. Mieux gérer, ou gérer différemment les espaces verts, trouver des couvre-sols adéquats, limiter les arrosages coûteux en eau (souvent) potable… Cet ouvrage richement illustré dresse un tableau précis et un mode d’emploi des méthodes pour se passer de ce gazon que seule (ou presque) la perfide Albion parvient, grâce à sa météorologie particulière, à faire ressembler à une moquette de sinople.
«Alternatives au gazon», par Olivier Filippi. Editions Actes Sud, 256 pages.
La vie de château
C’est un grand classique contemporain anglais, paru dans la langue de Shakespeare en 1974 et dont on sait qu’il a profondément marqué et inspiré George R.R. Martin, auteur de «Game of Thrones». «La vie dans un château médiéval» décrit par le menu et de façon passionnante l’existence des habitants, défenseurs, attaquants et visiteurs du château anglais de Chepstow, près de la frontière galloise. Ce magnifique monument médiéval, dont certaines parties ont plus de mille ans, est très bien conservé. A la manière d’un roman ou d’une série – et pour cause! -, on nous montre comment se déroulaient les événements heureux, solennels ou tragiques qui jalonnaient les existences de nos lointains prédécesseurs. Ainsi, on découvre par exemple que si les épouses devaient verser une dot, elles recevaient en retour un douaire, c’est-à-dire une part des terres de leur mari. Si celui-ci mourait sans avoir perdu ses biens, elles pouvaient réclamer leur dû. L’histoire a d’ailleurs retenu les noms de plusieurs femmes du Moyen Age qui ont su, alors que la société les considérait globalement comme mineures, intenter des procès ou mener des guerres! Quant aux paysans, il leur arrivait de cultiver pour leur propre compte des essarts, friches non destinées à la culture. De là est venu le terme d’«esserts», fréquent dans nos régions.
«La vie dans un château médiéval», par Frances et Joseph Gies. Editions Les Belles Lettres, 282 pages.