Olivier Rigot : «On n’écrit pas un roman comme on écrit un article de réflexion ou une thèse de doctorat. Il y a des codes dans l’écriture d’un roman qu’il faut apprendre».

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Troisième roman d’Olivier Rigot

Belle envolée de cerfs-volants

17 Août 2022 | Le coin lecture

Economiste de formation, Olivier Rigot a exercé presque tous les métiers de la finance en près de quarante ans de carrière. Grand lecteur et amateur de littérature classique, son parcours de vie l’a amené presque naturellement à l’écriture de romans, une addiction qui ne le quitte plus depuis des années. La crise économique de 2008 aura agi tel un révélateur et Olivier Rigot a trouvé en l’écriture une forme d’échappatoire au monde virtuel de la finance. Son troisième roman, «La fille aux cerfs-volants», est paru voilà quelque temps chez Slatkine et remporte un grand succès autour du Léman, notamment grâce au théâtre maritime de son action.

L’auteur genevois avait déjà signé deux romans («Un Homme sous emprise» (2016), «L’héritage des Farazzi» (2018), aux Editions Good Heidi) et participé à un collectif d’auteurs sur le thème de «La mémoire et l’oubli», un ouvrage vendu au profit de l’Association suisse pour la recherche sur l’Alzheimer. Le texte de Rigot voisinait dans ce recueil avec ceux d’Eric-Emmanuel Schmitt, Colette Roumanoff, Marc Lévy, Stéphane Bern, Amélie Nothomb, Metin Arditi et d’autres.

– Olivier Rigot, parlez-nous de votre troisième roman, «La fille aux cerfs-volants».
– Tout d’abord, j’aimerais préciser que je ne veux pas me cantonner à un style ou à un genre de littérature comme le polar, la science-fiction ou le roman historique. Beaucoup de lecteurs me demandent une suite à «L’Héritage des Farazzi»; il y en aura certainement une, mais j’avais envie d’aborder d’autres thèmes avant de retrouver la belle Shamira et son compagnon Christian dans de nouvelles aventures. J’ai toujours eu envie d’écrire une belle histoire liée au monde maritime et à la voile et une autre autour de la montagne et de l’alpinisme.

– La voile est l’une de vos passions.
– Oui, j’ai eu la chance d’avoir un grand-père qui m’a donné l’amour du lac, sur lequel j’ai passé mon enfance à naviguer, à pêcher, à nager ou à régater. Adolescent, j’ai découvert la mer et des lieux merveilleux en Bretagne, en Grèce ou en Turquie, par exemple. Evidemment, j’ai été fasciné par des fortes personnalités comme Eric Tabarly, Alain Colas ou Olivier de Kersauson, peut-être les derniers grands aventuriers du XXe siècle.

– Sans dévoiler l’intrigue de l’histoire, quelle est la trame de «La fille aux cerfs-volants»?
– Sébastien, photographe de mer, embarque sur un trimaran à foils pour participer au Trophée Jules Verne, une course autour du monde en équipage et sans escale, pour battre un record de vitesse. Un départ synonyme de fuite éperdue? Que cache cet homme? Que s’est-il passé avec Sylvia, cette femme dont il est tombé éperdument amoureux? On découvrira, au fil du récit, qui est véritablement Sylvia, prodige du surf à voile et biologiste marine avec laquelle Sébastien a entretenu une relation passionnelle. Traque, poursuite, trahisons vous attendent, de la Corse à la Normandie, en passant par Paris et la Sardaigne.

– Dans vos romans, vous développez un aspect particulier de la psychologie humaine. Quel est celui mis en avant dans «La fille aux cerfs-volants»?
– Dans ce roman, j’ai voulu mettre en avant deux thèmes. Le premier a trait à l’ambiance très particulière qui règne sur un bateau en course autour du monde, évoquant les liens qui se tissent entre les membres de l’équipage, unis dans l’effort et dans la souffrance au milieu de mers démontées, de vents violents, de froid intense dans les mers du Sud où les personnalités des hommes livrés à eux-mêmes se révèlent avec, en toile de fond, la crainte de mourir fracassé contre un iceberg ou de chavirer et de couler à pic. Le deuxième est d’ordre sentimental et lié à cet amour tumultueux entre deux êtres sensibles, dont on pressent dès la première page qu’un drame les a séparés.

– Comment est né votre goût pour l’écriture?
– A force de pratique! Durant presque quarante ans, j’ai rédigé de nombreux papiers pour la presse*: des articles de réflexion sur des sujets macroéconomiques et financiers dans lesquels j’exprimais mes opinions. J’aime aussi vulgariser au plus grand nombre le langage inhérent à l’économie et à la finance. J’apprécie également de susciter le débat d’idées sur des thèmes de société. Dans ce cadre-là, je fais partie du Comité de l’Institut national genevois depuis plus de vingt ans et je préside la section «économie» depuis des années.

– Comment l’idée d’écrire un roman vous est-elle venue?
– Tout a commencé par une belle journée d’été, il y a quelques années. Je venais de lire un roman à succès. L’idée d’écrire mon propre livre m’a alors traversé l’esprit. Je me suis lancé ce défi.

– Dans quelles circonstances avez-vous commencé à écrire votre premier livre?
– C’était en 2008. Nous étions dans un contexte de crise économique et le monde financier était malmené. J’ai commencé à écrire le week-end, pour m’échapper. C’est ainsi que j’ai rédigé mon premier manuscrit «L’héritage des Farazzi». Une fois achevé, je l’ai laissé de côté. J’ai ensuite entamé la rédaction d’«Un homme sous emprise», publié en 2016. On n’écrit pas un roman comme on écrit un article de réflexion ou une thèse de doctorat. La méthodologie diffère sensiblement. Il y a des codes dans l’écriture d’un roman qu’il faut apprendre. Il faut faire ses gammes comme au piano ou dans l’apprentissage d’un nouveau sport. Pour éviter les erreurs de débutant, j’ai fait appel aux services d’une directrice littéraire, avec qui j’ai appris à structurer un roman, élaborer les personnages et leurs caractères, relancer l’intrigue, travailler les attaques de chapitre, etc. Je compare la structure d’un roman à une pièce de musique, il faut savoir faire monter la tension, la laisser retomber et trouver une harmonie globale dans laquelle le lecteur va se laisser glisser et emporter.

– Vous attachez beaucoup d’importance à la création d’une atmosphère, d’une ambiance.
– La littérature fait appel à l’imagination du lecteur. A partir du moment où le livre sort de presse, les lecteurs vont se l’accaparer, se l’approprier à l’aune de de leurs connaissances, de leurs expériences de vie, mais aussi de leurs envies et de leur imagination. Dans ce cadre-là, le travail de l’écrivain consiste à dévoiler sans tout découvrir et, dans mon cas, j’invite le lecteur à se glisser dans une ambiance que j’aurai créée où les cinq sens sont présents, cela va de la musique aux senteurs, en passant par des descriptions de lieux ou de personnages et à une forme d’érotisme littéraire.

– Comment décririez-vous votre style?
– Je n’ai pas l’ambition ni les compétences de développer un style littéraire novateur comme l’ont fait quelques grands écrivains de notre époque. En ce qui me concerne, je veille surtout à ce que mon style soit fluide pour que le lecteur ne bute pas sur les mots et qu’il entre facilement dans mon univers. Il faut également adapter le style littéraire à notre époque où tout va vite.
Un roman peut être construit à partir d’un détail, d’une rencontre. Avant tout, un romancier est un bon observateur de la vie, de son environnement et de son entourage, bien que mes personnages soient tous fictifs.

– Quel est le point commun entre vos trois romans?
– Mes romans sont très différents. «Un homme sous emprise» évoque la souffrance masculine dans les sentiments amoureux et le désir masculin, un thème peu abordé en littérature. «L’héritage des Farrazi» est un thriller avec une dimension polar qui aborde des sujets variés, ésotériques, avec l’évocation du nombre d’or et du mystère des Templiers. Mais tous les trois reprennent les thèmes de la femme moderne, indépendante, libre et entreprenante, et de la place des sentiments – et de l’homme – dans notre société.

– Votre quatrième roman, dit-on, se déroulera à Genève?
– Il est en cours d’écriture. Pendant longtemps, j’ai eu de la peine à situer l’action de l’un de mes romans dans ma ville d’origine, Genève. J’avais besoin de trouver un certain exotisme et d’emmener mes lecteurs à la découverte de villes ou de lieux que je connaissais bien comme Paris, New York, la Sardaigne ou Venise, par exemple. Parfois des repérages complémentaires ont été nécessaires comme pour la Cité des Fusains à Paris ou la Normandie. J’emmène pour ce faire mon appareil photo afin de conserver les souvenirs ou des détails intacts. Mon quatrième roman sera un thriller en lien avec l’horlogerie. Genève en étant la capitale mondiale, il n’y avait plus de question à se poser.

 

Propos recueillis par François Berset

 

(*) Voir notamment «Le Journal de l’Immobilier»
No 4, du 13 octobre 2021, «L’inflation nous menace-t-elle insidieusement?», disponible sur
www.jim.media.