Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
«Patience, ô mon cœur!»
User de patience, malgré les
nausées, l’inconfort ou
la douleur, c’est permettre à la
joie de dépasser tout le reste.
«Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage». Ainsi se termine la fable intitulée Le Lion et Le Rat. Du temps qu’on faisait apprendre des poèmes aux enfants, non seulement on les conduisait par la main dans le monde des belles œuvres, mais encore on leur révélait que leurs frustrations quotidiennes avaient un sens. L’enfant découvrait la patience, lui qui en a si peu, à l’instar de notre société infantilisée et effrayée de manquer la futilité qui passe. Quand Ulysse, dans l’Odyssée, de retour en Ithaque, est pris de fureur en découvrant l’état de son palais, il envisage d’abord de faire regretter aux prétendants leur arrogance, mas il résiste à son impulsion et s’exhorte lui-même: «Patience, ô mon cœur!»; cette crise intérieure ouvre d’emblée l’horizon de la morale humaine.
Aucun mouvement de l’âme ne nous semble moins naturel que la patience, souvent regardée comme de la mollesse de caractère. L’inaction, le manque de réaction face à ce qui est mauvais et néfaste ne sont certes pas de la patience. Les parents qui se figurent être patients parce qu’ils laissent leurs enfants libres de faire tout ce qu’ils veulent ne sont guère vertueux. Ce sont des lâches et des paresseux, qui préparent le malheur à venir de leur progéniture et qui, en attendant, empoisonnent la vie de tous en imposant une marmaille aussi indisciplinée! Tout, tout de suite!
Or la patience est une forme de courage qui fait supporter les anicroches, toutes ces contrariétés capables de faire fondre nos promesses de fidélité et de fermeté. Il existe un temps long à respecter, afin que les choses puissent apparaître telles qu’elles sont. Si on prend la peine de regarder longtemps un objet, nous lui permettons de se révéler dans sa nuance. User de patience, malgré les nausées, l’inconfort ou la douleur, c’est permettre à la joie de dépasser tout le reste. La vertu de patience est la plus oubliée aujourd’hui, or c’est elle qui nous permettait de nous ouvrir au monde et à son mystère.