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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Miss Intelligence Artificielle

26 Fév 2025 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

La fiction accompagne;
le virtuel isole.

Les concours de miss offrent déjà une vision de la femme objet soumise, corsetée dans des normes strictes et livrée en pâture au public avide de tout ce qui est formaté. Mais élire une «Miss IA» est assez croquignolet! Là, on vise l’inhumain, la femme parfaite qui n’a d’existence que dans les ordinateurs, la femme virtuelle qui n’existe pas, mais qui est pourtant sortie toute faite des puces de Jupiter.
On se rappelle «Le Chef-d’œuvre inconnu» de Balzac: un peintre travaille à une toile depuis dix ans. Il s’agit d’un modèle artistique idéal, une femme qui lui inspirerait la perfection vers laquelle il tend sans jamais l’atteindre. Ce futur chef-d’œuvre, que personne n’a encore jamais vu, sera la création de la perfection. Le peintre promet à tous ceux qui désirent admirer le chef-d’œuvre qu’ils ne verront pas un tableau, mais une femme, et qu’ils seront estomaqués par sa beauté.
Voilà la distance qui existe entre le fictif et le virtuel: le fictif conserve quelque chose d’humain, de vivant; il peint un monde qui n’existe pas, certes, mais qui aurait pu exister si les choses avaient été données autrement. Alors que le virtuel dessine un monde inhumain, transhumain, qui n’a aucune existence et n’existera jamais ailleurs que dans un tout autre univers que le nôtre. «Miss IA» n’est pas cette femme qui rejoindrait nos rêves les plus fous, mais plutôt ce chiffon numérique qui nous échappe continuellement parce que composé d’une pure surface plastique.
Et le cocasse provient du fait que des esprits naïfs peuvent confondre le virtuel et le réel, parce que la ressemblance est sidérante. Plus la vie personnelle est riche, plus la fiction y trouve un terreau favorable. Aussi la fiction rassasie-t-elle; le virtuel, lui, dépossède. La fiction accompagne; le virtuel isole. On s’augmente en présence d’une œuvre de fiction; on se rapetisse au contact du virtuel. D’ailleurs, on se rétrécit tellement qu’on finit par redevenir un enfant et, avalé, par pénétrer dans le monde alternatif qu’on nous propose. Bienvenue à la vie.com!

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