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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Balthus, le moderne

1 Nov 2023 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

Il pensait que la tare majeure
des peintres modernes était de
s’exprimer eux-mêmes, alors
que lui, Balthus, cherchait à
exprimer le monde.

Balthus (1908 – 2001), d’origine polonaise, a longtemps habité le pays de Vaud: de 1977 jusqu’à sa mort, il vécut retiré du monde, en grand seigneur riche et réservé, un peu hautain parfois, toujours secret, dans le Grand-Chalet de Rossinière. Sa peinture met en scène de curieux personnages, souvent de jeunes femmes au seuil de l’adolescence, immobilisées dans des poses suggestives, qui ont fait scandale par cette sorte d’ambiance de sexualité lascive, au caractère trouble et froid, qui enrobe des scènes devant lesquelles le spectateur devient voyeur. Qu’il voulût choquer, Balthus
l’a admis lui-même, surtout au début lorsqu’il lui fallait vendre pour vivre. Par la suite, il fut l’un des peintres les plus chers du siècle et son œuvre – en tout et pour tout quelque trois cent cinquante toiles – est très recherchée.
Balthus, s’est toujours tenu à bonne distance des artistes de son temps et, à part Giacometti, il les fréquenta peu. En effet, il pensait que la tare majeure des peintres modernes était de s’exprimer eux-mêmes, alors que lui, Balthus, cherchait à exprimer le monde. Faut-il le croire? Le monde de Balthus, si identifiable, est en fait celui de ses fantasmes, de ses craintes, de ses hantises. Parce que l’œuvre est toujours autre chose que la vie, il est délicat de s’appuyer sur les éléments biographiques d’un artiste pour expliquer son œuvre, mais les faits sont là. En plus, la provocation fait partie intégrale de cette peinture, et Balthus s’inscrit ainsi dans l’entreprise du temps, dont les surréalistes étaient passés maîtres (Picabia, Miró, Duchamp).
Le paradoxe de Balthus est celui d’un homme hors du commun, un dandy original qui avait passionné Malraux alors ministre de la Culture, voulant échapper à son temps, se déclarant à contre-courant des avant-gardes, se réfugiant même dans la solitude des grandes demeures préservées du tumulte artistique et mondain de l’époque, mais qui s’est pourtant inscrit dans la modernité. Il s’y est inscrit d’autant mieux que la croix que porte notre modernité est de s’être séparée de ses racines.