Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Une société déboussolée
A force de croire et de hurler
que tout n’est qu’oppression
et injustice, plus rien ne l’est.
La passion justicière a bien souvent remplacé le sens de la justice. En effet, les armées néoféministes toutes issues de «MeToo» et autres calembredaines se sont mises à la traque du mâle, et leurs cohortes serrées répètent à l’envi des slogans dont le martèlement prétend devenir vérité. Qu’il y ait des actes dégradants perpétrés par les hommes, des féminicides, est une réalité qu’il faut dénoncer, poursuivre et punir sévèrement, mais de là à lutter contre des chimères, on aboutit à la phobie, ainsi qu’ à une forme de déréalisation d’un monde despotique qu’on prétend observer mais qui n’existe pas.
Le vocabulaire de cette chasse aux sorcières gravite autour de trois mots clefs: «préjugés», «racisme» et «stéréotypes», dont le pouvoir hypnotique permet de transiter des impressions ou des ressentis vers des faits avérés, comme la couleur des sparadraps rosâtres assimilée à une préférence raciale par telle militante antifa. L’écrasante oppression des Blancs, des mâles, des anciens, des hétérosexuels devient partout l’occasion d’un discours dénonciateur… Mais à force de croire et de hurler que tout n’est qu’oppression et injustice, plus rien ne l’est. Et en déplaçant le réel sur le territoire du ressenti, ce qui mériterait effectivement qu’on le pointe du doigt, est dissout dans le charabia du néoféminisme et autres lobbies apparentés. A force de voir partout des «comportements stéréotypés» comme causes d’agression, on tutoie l’insignifiance. Malheureusement, quantité de gens font les frais de ce soupçon généralisé; ils souffrent; ils sont eux-mêmes agressés par ce qui se donne faussement pour une défense; ils subissent les sinistres effets de ce délire.
«La parfaite raison fuit toute extrémité et veut que l’on soit sage avec sobriété», préconisait Molière. C’est sans doute vers plus de retenue que nous souhaiterions voir aller un monde mal guidé par la surenchère, mais l’espoir est si mince qu’il vaut mieux se réfugier auprès des classiques de la littérature, plutôt que d’attendre la sagesse d’une société déboussolée.