Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Tout le monde répète la même chose
Mais où est passé notre
héritage des confrontations
d’opinions?
Tous ceux qui ont suivi, même de loin, l’élection américaine ont fait ce constat. Les médias, les experts de tous bords, les commentateurs éclairés, les universitaires woke, les artistes et le petit peuple des oligarques de la pensée molle ont tous entonné le même refrain qui fait que plus rien ne sépare le monde rebelle des discours officiels: Trump allait perdre. Puisqu’il devait perdre, il allait perdre!
On a assisté au conformisme de l’air du temps, c’est-à-dire à la fusion extatique de la langue de bois et de l’alphabet du cœur. Chacun a le droit de penser ce qu’il veut de tel candidat, de l’aimer ou non, d’en montrer les limites, mais ici on a fait un pas de plus: on a peu donné la parole à ceux, minoritaires il est vrai, qui ne mâchonnaient pas le même chewing-gum collectif. Ce qui frappe n’est pas seulement le manque de diversité des opinions exprimées, mais le fait que le débat même soit tenu pour douteux. Trump se casserait la figure, un point c’est tout.
Bon, c’est une opinion et elle a le droit d’exister. Mais où est passé notre héritage des confrontations d’opinions? Des controverses à la loyale? L’Occident a du passé fait table rase. Or ce déracinement a permis un tout autre enracinement, celui qui n’accepte pas le désaccord. Même après la victoire éclatante de Trump, aucune remise en question de la part des gardiens de la vérité, aucune sourdine à leur autosuffisance: les Américains en désarroi n’ont rien compris, parce que trop mal informés.
Et pourtant même sans ces médias déconnectés, sans l’avis des experts, sans la propagande à tout-va, l’opinion se forge malgré tout, via les réseaux sociaux notamment. Elle prend d’autres sentiers que celui, balisé, où les notables ont adopté le même langage que celui des contestataires. En démocratie, les adversaires ne sont pas des démons qu’il faut exorciser, mais le levain d’une nourriture intellectuelle nécessaire. Or pour ne pas avoir à débattre, on décide a priori des conclusions. Et ces conclusions parachutées sont simplement fausses. On le voit tous les jours.