Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Tout le malheur du monde
Les jeunes se sont rendu
compte que les médias de
grand chemin et les réseaux
sociaux promouvaient le
mensonge à plein temps, qu’on
les manipulait.
Il n’y a pas si longtemps, les jeunes étudiants des collèges entendaient révolutionner l’institution scolaire dans laquelle ils ne se reconnaissaient plus. Il s’agissait de casser la gueule à leurs aînés pour pouvoir entrer dans un monde nouveau, débarrassé des poids morts. Mai 68 n’était pas loin, la gauche non plus. Ils échafaudaient donc des théories de libération qui faisaient fi de l’héritage qu’on leur transmettait. Ils atteignaient ainsi, par paliers d’abstraction, de belles hauteurs; ils s’enivraient de leur vertige, mais rarement au point d’oublier longtemps la fragilité de leurs constructions théoriques.
Aujourd’hui le monde a changé; l’environnement économique et sociétal, internet aidant, il se fonde sur d’autres bases. Les jeunes lycéens actuels se divisent en deux groupes repérables: d’une part, la minorité qui veut toujours du passé faire table rase, qui fait sienne la théorie du genre, la cancel culture et le wokisme, qui a désigné la cause du malheur du monde, l’homme blanc issu du patriarcat; d’autre part, la majorité qui défend l’institution parce qu’elle a repéré toute la richesse qu’elle peut en tirer. En effet, ces jeunes étudiants ont compris une chose infiniment simple que nous, adultes, peinons à saisir: saoulés par la rapidité d’un monde dans lequel on leur demande de s’intégrer à toute allure, par la promesse qu’ils auraient à exercer plusieurs métiers différents, découragés par un monde en guerre qui laisse place à tous les massacres, indécis sur les valeurs à promouvoir au sein de ce bougisme, et guettés par la déprime et la honte du burn-out, ces jeunes n’entendent pas se séparer du temps long. Ils se sont rendu compte que les médias de grand chemin et les réseaux sociaux promouvaient le mensonge à plein temps, qu’on les manipulait.
Pour ne pas devenir des moutons de la pensée et devoir s’adapter indéfiniment à une société déboussolée, ils tiennent à leur identité. Raison d’ailleurs pour laquelle ils penchent de plus en plus vers la droite. Ils n’entendent plus approuver une sociologie partisane qui refuse de faire de la sociologie, mais sont amateurs de la diversité du monde.