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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Tonton, pourquoi ta gauche tousse?

6 Sep 2023 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

La gauche s’est investie dans
quelques thèmes sociétaux,
passablement indigents et
bourrés de moraline.

Le film de Robert Guédiguian, «Le promeneur du Champ de Mars» est une petite merveille. Il met en scène les derniers mois de François Mitterrand. Michel Bouquet, subtil de mystère et de force, incarne l’ex-président. Ce film, souvent réduit à une pièce de théâtre, est un long monologue avec la constante référence à la littérature. Les grands écrivains habitent la pensée du personnage, qui non seulement les cite, mais encore médite leurs propos, focalisé qu’il est sur la mort: que de scènes dans une église, dans un cimetière, devant des gisants!
Dans notre monde fade, cette présence des écrivains enchante. Ensuite, on demeure étonné par l’absence du spectacle du pouvoir. Mitterrand apparaît en privé, seul, cynique parfois, perdu dans le monde de ses réflexions. Nous visitons ainsi les coulisses de l’Etat et, comme dans une pièce de Racine, nous sommes cantonnés à l’antichambre, le pouvoir demeurant de l’autre côté de la porte, qui reste fermée.
A la mort de Mitterrand en 1996, le monde bascule; avec l’Europe en construction, la disparition des idéologies, la mondialisation et les problèmes qu’elle véhicule, c’est la fin d’une époque et, partout, éclate l’évidence de l’échec du socialisme dans les pays qui l’ont essayé: échec économique, échec humain, échec politique, échec judiciaire.
Puis, en abandonnant peu à peu le prolétariat et l’universalisme, en manque d’enthousiasme, la gauche s’est investie dans quelques thèmes sociétaux, passablement indigents et bourrés de moraline.
Après Mitterrand, on doit se demander ce qui est advenu à cette gauche prometteuse qui n’a plus d’idées structurantes, qui dérive depuis qu’elle a abandonné ses grands thèmes sociaux et s’est convertie à une poignée de thèmes éclatés, qui lui font découvrir des injustices mouvantes, multiples, qu’elle met tour à tour au centre de ses préoccupations selon ses tendances et selon ses chapelles.
Au fond, ce qui fait la plus grande unité de la gauche aujourd’hui c’est, un peu obsessionnellement d’ailleurs, les minorités qu’elle prétend défendre avec des tonnes d’a priori.