Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Quand le vide prend trop de place
Le plaisir de vivre est
l’ennemi des puritains qui
pullulent et c’est notre
conception de la vie qui est
remise en cause.
Salman Rushdie écrivait: «La réalité est que nous avons tous une fatwa contre nous. Nous autres qui voulons faire usage de la liberté d’expression, avoir la possibilité de ne pas croire, mener une vie libre, boire un verre de vin à la terrasse des cafés et écouter de la musique; mais aussi toutes les femmes qui ne veulent pas porter le voile, ni vivre sous la domination des hommes… Nous avons tous été condamnés à mort par les fanatiques». L’écrivain anglais en sait quelque chose.
Le plaisir de vivre est l’ennemi des puritains qui pullulent et c’est notre conception de la vie qui est remise en cause par les islamistes. Les exemples sont légion aujourd’hui. Alors on peut avec raison juger que l’Occident a accordé au divertissement, au plaisir facile, au jeu perpétuel, à la niaiserie une place trop importante, qu’il a fait de l’inessentiel une valeur, mais ce n’est pas aux autres civilisations de porter ce jugement, c’est à nous de le prononcer, y compris de rectifier le tir lorsque ce vide prend trop de place. Le vide prend trop de place! On mesure bien l’inversion des valeurs que nous approuvons souvent.
La volonté de sans cesse dépasser la mesure est une donnée avec laquelle nous sommes familiarisés. «On peut faire encore mieux!», voilà l’impératif catégorique auquel nous croyons avec frénésie. Or c’est uniquement l’arrogance de cette vision qui constitue sa puissance. L’empressement à refaire une société de la démesure prend le pas sur la volonté de la connaître, et nous avons abandonné l’amitié des choses simples qui rassasient. Notre soif de la démesure conduit à un pédantisme risible, car elle a organisé un abîme où seul compte le narcissisme identitaire.
Voici sans doute venu le temps de montrer au monde que nous ne sommes plus sur le déclin. C’est à nous de prendre librement notre destin en main et de ne plus nous contenter de réagir au coup par coup aux diverses fatwa d’ennemis qui ont tout leur temps de laisser se clamer notre agitation, afin de d’occuper une place que nous désertons. Il est temps de retrouver cette liberté de parole qui consiste à appeler les choses par leur nom.