Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Aujourd’hui, avec le wokisme et la haine de soi qu’il implique, toute fiction est suspecte, tout comme l’ensemble de notre héritage culturel est douteux.

Dans un passage bien connu de Rabelais, Panurge poursuit de ses vives ardeurs une Dame de Paris, et il la tarabuste jusque dans une église où elle assiste à la messe. Il s’est installé à ses côtés, fait valoir sa braguette, lui murmure à l’oreille des mots osés: «A beau con le vit monte». Il insiste, elle le repousse, ne cède pas à ses avances goujates; il ne la laisse pas tranquille et, pour la punir d’avoir résisté, va jusqu’à lui jouer une farce sinistre que la bienséance m’interdit de raconter ici.
N’importe qui parlerait aujourd’hui de harcèlement sexuel, de mépris de la femme, qui plus est, dans un lieu sacré où on prie Dieu. Votre compte est bon, mon gaillard! Fi de toute décence! C’est très mal d’en user ainsi! On va vous metooïser illico!
Or nous sommes dans un roman, dans l’univers du rire et non pas dans la réalité quotidienne. Il s’agit d’une description grotesque d’une scène dont le but n’est pas la morale, mais la distance amusée. Une invention d’artiste qui distingue clairement les deux niveaux: le monde réel et le monde fictif, qui n’est pas le même; le premier est souvent banal; le second est une mise en scène de l’excès et de l’immoralité. Cette distinction est essentielle, car elle résiste au tout-moralisant. On y rit de scandale.
Aujourd’hui, avec le wokisme et la haine de soi qu’il implique, toute fiction est suspecte, tout comme l’ensemble de notre héritage culturel est douteux. Il s’agit de déconstruire ce qui fut nous, de saper notre façon de vivre et de penser, de massacrer le rôle de la fiction, pour mettre en place un homme nouveau, lavé de toute prétendue tentation de domination des minorités. Les «études genre» sont le fer de lance dans les Universités de cette immense entreprise de déconstruction. Cette colonisation idéologique qui prétend qu’il n’y aurait plus que des rapports de domination entre les composants sociaux a fait émerger la figure du diable: l’homme blanc hétérosexuel qui écrase la civilisation et ses minorités. Panurge, en somme!
Mais rire avec lui c’est rire de cette mode de niais.