Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Obéir?
L’homme néomoderne se veut dégagé du pli d’obéir et pourtant… jamais les individus n’ont été aussi moutonniers que nos contemporains.
L’obéissance a mauvaise presse depuis plus d’un demi-siècle. La raison? Avec la poussée de l’individualisme, obéir semble heurter notre liberté personnelle, puisque chacun affirme avoir suffisamment de jugement pour n’avoir besoin de personne. C’est un peu comme sur la Harley-Davidson de Brigitte Bardot! Dans sa solitude, l’homme néomoderne se veut dégagé du pli d’obéir pour se construire et pourtant… pourtant jamais les individus n’ont été aussi moutonniers que nos contemporains, qui cèdent à la magie rhétorique des gardiens du troupeau, suivent des diktats d’une superficialité sidérante qui ne visent rien moins que la suppression de notre culture commune.
En effet, obéir à la compétence a été, dans notre culture, la pierre d’angle de la formation de l’individu. Dès l’enfance, on obéit à un autre homme parce qu’on a confiance en lui et qu’on lui reconnaît la capacité de nous apporter de quoi permettre notre liberté. On obéit à un entraîneur de football à la condition de lui faire confiance: on a besoin de son savoir pour gagner. De même pour les parents, les professeurs, les formateurs, les supérieurs hiérarchiques, etc. Au cœur de l’obéissance: l’autorité. Notion constitutive de la culture républicaine, l’autorité élève lorsqu’elle est juste et bienveillante. Mais depuis la pensée 68, toute autorité est suspecte d’autoritarisme, l’autorité politique comme l’autorité du savoir maîtrisé, et cela intensifie la volonté de désobéir aux lois, aux règles, à la tradition, à tout ce qui augmente ou qui s’impose.
Car ce qui est devenu insupportable est l’idée même de verticalité: rien ne dépasse jamais personne. Or dans notre monde de l’horizontalité, on assiste à une amusante métamorphose: ce qui donne de l’autorité est le fait d’avoir des sujets de plainte. On aspire à un ordre, effectivement, mais l’idéologie victimaire est la seule à laquelle on obéisse! Elle est devenue le pôle principal de l’alternative autoritaire. On assiste même à une concurrence victimaire, car on pardonnerait tout à quelqu’un qui sait bien pleurer.