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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Nouveau totalitarisme

9 Oct 2024 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

L’anticonformisme s’est
métamorphosé en
hyper-conformisme, drapé
dans les habits de l’ancien.

La suite de Mai 68 produisit des choses extraordinaires: le bouillonnement intellectuel était un mélange bariolé de bohème estudiantine et de militants d’extrême gauche en ébullition; des groupuscules violents partaient sans cesse en guerre contre les «fascistes» et les capitalistes; les tenants du trotskisme se chamaillaient avec les maoïstes; les étudiants étrangers (Espagne et Amérique du sud surtout) hyper-politisés en voulaient aux pacifistes babacools qui allaient s’étourdir en Inde, à Ibiza ou en Afghanistan; les inorganisés anarchistes psalmodiaient Bakounine et écoutaient Ferré; des marginaux de tout poil pratiquaient le vol en librairies au motif que le capitalisme avait assez d’argent. On lisait Althusser, Foucault, Reich, Derrida, Barthes et Lacan. Bref, le progressisme battait son plein, on trouvait de tout au supermarché des révolutionnaires de choc, et tout ce petit monde s’entendait pour piétiner le besoin de transmission. Cela d’autant plus que le cinéma, Buñuel en tête, organisait la mise à sac culturelle des valeurs bourgeoises: l’Eglise, l’autorité, l’Université, la hiérarchie, l’humanisme, la patrie, le pouvoir politique, les bonnes manières, la morale, le juste milieu. Un souffle de liberté juvénile s’abattit sur l’Europe, celle du petit peuple adolescent de l’époque du plein emploi.
Au fond, la leçon de ces temps permissifs fut celle du relativisme. Il n’y eut plus de vérité valable pour tous; au contraire, chacun eut le droit de penser, de vivre et d’agir comme il l’entendait, et cette contre-culture, d’abord marginale, dépassa le cercle des barricades et des slogans pour s’imposer à toute la société.
En deux décennies, les revendications des années post-soixante-huitardes se sont retrouvées dans l’affirmation de phénomènes de domination (néoféminisme, éducation, sexualité, minorités diverses). L’anticonformisme s’est métamorphosé en hyper-conformisme, drapé dans les habits de l’ancien. Un totalitarisme en est né, une intolérance woke qui transforma le relativisme de jadis en autocratie, celle qu’on connaît aujourd’hui et qui n’a plus rien de juvénile.