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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Nostalgie de l’absolu

11 Mai 2022 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

Il est possible que la traque de la vérité abstraite et désintéressée soit la seule manière d’étancher cette soif d’absolu.

Balzac – comme d’autres – a mis en lumière ce besoin d’absolu qui habite le cœur des hommes. Il a peint un riche savant se ruinant, lui et sa famille, dans de vaines recherches pour retrouver l’élément essentiel au cœur de la matière («La Recherche de l’Absolu», 1834); il a aussi mis en scène un peintre délirant tentant de faire le portrait de la femme absolue («Le Chef-d’œuvre inconnu», 1831). Mais rien de ce qui est matériel, ni la science ni l’art, ne peut rejoindre cet inaccessible idéal.
Il est possible que la traque de la vérité abstraite et désintéressée soit la seule manière d’étancher cette soif d’absolu. Rien dans la matière n’est à même d’apporter satisfaction: ni le bougisme, ni la richesse pécuniaire, ni l’illusion d’un paradis perdu, ni la fête. Tournons-nous plutôt vers la recherche désintéressée de la vérité: des mots oubliés que ceux-là! Plus personne n’agit de manière désintéressée, et même l’Université est politisée au point que la recherche en pâtit. Quant à la vérité, avec le relativisme, c’est un mot qui a perdu son sens. Il a sombré dans le lexique des mots obsolètes.
Il est cependant une éventualité qui n’a pas été vraiment examinée: et si la vérité désintéressée était insupportable au regard de la morale? Si la vérité heurtait de plein fouet la sacro-sainte «cohésion sociale»? Une atrocité! Lorsqu’on effleure pareil débat, le monde se réfugie prudemment dans la nostalgie de l’innocence humaine. «Voyons, voyons! Le Vrai et le Bien ne peuvent s’opposer!». De peur de rechercher le vrai, nous avons institutionalisé l’innocence humaine et, avec les champions de l’écologie et les naïfs du «vivre-ensemble», nous agitons l’image d’un retour à la nature, celle d’un homme paisible, en chaussettes de laine et cueillant des baies aux marches du jardin d’Eden. Et si dans son absolu, l’être humain était tout autre chose que ce plaisant idiot qui féminise Dieu, qui nie la séparation masculin-féminin, qui veut traduire Molière en français néomoderne, qui pense qu’on peut changer de sexe à 16 ans par simple conviction ou qu’un mâle blanc est toujours un abominable prédateur?