/

Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Neutralité

16 Août 2023 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

La neutralité donne de la force à la valeur d’indépendance.

Le gros débat qui se profile est en fait un débat récurrent, celui de la neutralité de la Suisse. La notion de neutralité oscille entre deux pôles: d’une part, un pays neutre est plus à même de se positionner entre les camps en conflit, du point de vue des discussions nécessaires à la paix. La neutralité permet de se montrer crédible, d’esquisser des solutions, d’avancer des propositions qui ne soient pas entachées d’un intérêt partisan. D’autre part, la neutralité fait partie intégrante de l’identité suisse; parmi les composants de notre identité, la neutralité occupe une place historique et peu nombreux sont ceux qui s’en moquent, car la neutralité donne de la force à la valeur d’indépendance.

Or, du point de vue politique, la Suisse est-elle encore neutre? Il est certain que non. Nombreuses sont les occurrences où la Suisse a pris clairement position et l’une des dernières est celle de s’associer aux sanctions contre la Russie ou de participer au bouclier antimissiles européen. La question n’est pas ici de savoir si c’est moralement justifié ou non, mais de savoir si c’est là un signe de neutralité. La neutralité est une position toujours délicate, car elle peut passer soit pour de la lâcheté, soit pour un refus de solidarité envers l’Union Européenne. Faut-il préférer la neutralité à ce qui semble juste? Faut-il privilégier le diktat de l’OTAN à la neutralité?

Or ce qui frappe est la distance qui s’opère entre une Suisse politiquement de moins en moins neutre et une identité nationale liée à la neutralité comme valeur intangible; cette distance donc entre la réalité et l’idéal. Il existe d’un côté de fortes pressions économiques et politiques, et de l’autre la narration nationale identitaire dont l’UDC – le plus grand parti du pays – est porteuse. Mais comment réunir ces deux pôles? Il est ridicule de tirer à boulets rouges sur un parti majoritaire, mais il est aussi cocasse de nier que la Suisse est dans le camp occidental. Le débat s’installe donc régulièrement; il est important pour tisser des liens entre ces deux versants essentiels.