Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Les actuels sondés finiront-ils par faire de Monsieur Zemmour le président Zemmour? Après la théorie, il faudra voir le programme concret.

La politique se décline sur deux niveaux: d’une part, le niveau théorique, celui des idées, des grandes visions, ce qu’on appelle l’idéologie, dans le bon sens du terme. D’autre part, le niveau plus terre à terre de la réalisation concrète des projets, l’action tangible, l’exécution. La plupart des gens ne retiennent d’ailleurs que l’un ou l’autre versant.
Depuis les années 1980, la droite s’est laissé imposer le cadre culturel de la gauche et n’a pas mené le combat idéologique nécessaire pour défendre sa vision de droite. En revanche, dans la pratique, elle a continué sur sa ligne ordinaire. Mais durant des décennies, complexée, paralysée, elle a laissé à la gauche le terrain des idées, comme aussi celui de la culture, associant l’activité culturelle à une sorte de divertissement parmi d’autres. Ce n’était pas très intelligent, d’ailleurs.
Ce qui frappe avec Eric Zemmour, c’est justement que d’une manière tout à fait décomplexée, parce qu’il n’est freiné par la fidélité à aucun parti, il impose le cadre culturel traditionnel de la droite bonapartiste d’avant 1980: le sens de la fierté, l’amour patriotique, la frontière, l’autorité, l’enracinement, la préférence nationale… Il ouvre la perspective et fait éclater le mur du politiquement correct, mur qui réduit au silence et empêche de voir le réel. Les Français veulent retrouver la France et M. Zemmour la leur promet. Cela surprend la gauche qui avait un boulevard devant elle et n’a plus grande idée à proposer, et cela surprend la droite installée dans son fauteuil de perdante, une droite qui s’extirpe peu à peu de sa léthargie.
Les journalistes, très majoritairement de gauche, sont à la fois agacés par la puissance du phénomène Zemmour et fascinés qu’on puisse, en politique, revenir à un combat d’idées. Alors, ils l’invitent partout, pour l’agresser le plus souvent, mais se font battre sur ce terrain intellectuel qu’ils maîtrisent mal, par manque de pratique.
Cependant, les actuels sondés finiront-ils par faire de Monsieur Zemmour le président Zemmour? Après la théorie, il faudra voir le programme concret.