Le pli de bien faire

Les écoliers consacrent quelques heures par an à nettoyer la nature, les cours d’eau, le bord des chemins. Ils y ramassent tout ce que les autres ont jeté négligemment. Et je me demande si c’est bien le rôle de l’école de transformer de manière intermittente les écoliers en éboueurs. De les culpabiliser pour des gestes stupides que d’autres ont commis.
Soyons clair! Initier les enfants au respect de la nature est une bonne chose en soi; je ne suis toutefois pas convaincu que l’école n’ait pas d’autres priorités plus urgentes, comme leur apprendre à lire, à écrire, à compter, même s’il est juste que cette école doive aussi seconder les familles. Or seconder n’est pas remplacer… Le respect sans cesse évoqué n’est pas une variable qui compterait ici et ne compterait pas là, par confort: par exemple, le respect de l’orthographe, de la grammaire, des maîtres, des banquettes de tram, du matériel scolaire, des murs de récréation est le pli qu’il convient de renforcer. C’est l’habitude de respecter les êtres et les choses qui incite les jeunes esprits à aller dans la bonne direction.
Le pli de bien faire. Sur une feuille de papier, le pli est une marque ineffaçable: une fois pliée, la feuille ne pourra pas aisément corriger cette empreinte; même après des années, elle conserve dans sa texture même ce souvenir de son passé. De plus c’est naturellement que, après avoir été pliée, la feuille va avoir tendance à se plier dans le même sens, un contre-pli étant difficile et demandant beaucoup d’énergie. Enfin, une fois pliée, la feuille est aisée à replier: plus le pli est marqué, moins il y a d’effort à le suivre. Le pli maintenant fait partie de la feuille, presque de son être.
Eh bien, il en va de même pour le respect: l’homme respectueux, incliné vers cette tendance, respecte sans effort ce qui l’entoure
et – qui sait? – peut-être même avec plaisir. C’est le rôle de l’école, associé à celui des familles, que de plier les enfants à cette heureuse habitude de trouver du plaisir à respecter les êtres et les choses, et d’abord (à l’école) à respecter la connaissance.