Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Le fil de la transmission
Au tournant du XXIe siècle,
nous étions les héritiers
adolescents de cette
ambiance gauchiste, des
héritiers rebelles certes, mais
des héritiers tout de même.
L’opinion majoritaire des dernières décennies du XXe siècle fut celle du gauchisme: les thèmes féministes, puis écologiques, prirent le dessus de la réflexion, ainsi que des réflexes intellectuels. Ils se démarquaient clairement de l’extrême gauche traditionnelle, accrochée à sa lutte des classes et à la dictature du prolétariat prétendu porteur de l’avenir. Le gauchisme n’entendait pas prendre le pouvoir par la violence, ni par l’imposition de modèles révolutionnaires, mais il prétendait changer les mentalités par une révolution culturelle insidieuse. Les idées phares ont bénéficié des médias, des Universités et des hommes politiques pour se répandre: la critique de toute forme d’autorité, de pouvoir, de hiérarchie. La revendication de l’autonomie fut érigée en absolu et les nouvelles générations d’alors furent emportées par ce raz-de-marée de la contre-culture, qui infusa les institutions, les écoles, les élites, les familles et même les Eglises.
Au tournant du XXIe siècle, nous étions les héritiers adolescents de cette ambiance gauchiste, des héritiers rebelles certes, mais des héritiers tout de même. Les acquis culturels et intellectuels ne s’effaceraient pas facilement, à telle enseigne d’ailleurs que même les partis de droite adoptèrent les catégories de pensée du gauchisme intégré. La droite classique en fut complexée, parce qu’elle voyait clairement que ses propres repères étaient chancelants et qu’elle en était responsable.
Le tournant apparut au moment où cette contre-culture se prétendit «morale», donc dépositaire du bien. L’ajout de cette dimension qui avait orchestré la décomposition des familles, la haine des religions et la déstructuration de l’école, a favorisé les débordements pulsionnels incontrôlables en supprimant l’auto-censure. L’insécurité s’installa. Ainsi, l’attachement à une certaine idée de la civilisation a redonné vigueur à la pensée de droite, non seulement chez nous, mais en Occident. Et avec ce réveil, parfois coléreux, réapparaît la volonté de renouer le fil de la transmission dans une heureuse vague conservatrice.