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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

La Tache

28 Mai 2025 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

L’inculture, parce qu’elle
fait perdre le sens des mots
et celui des nuances, est un
puissant accélérateur de la
nouvelle éthique.

Il faut lire «La Tache», de Philip Roth (Editions Folio) pour comprendre certaines choses. Le romancier y narre l’histoire de Coleman Silk, professeur d’Université reconnu pour son sérieux, spécialiste de la Grèce antique, autant dire de l’incarnation même du monde civilisé, accusé à tort de racisme pour un mot mal compris de ses étudiants incultes. Agacé par l’absence systématique de deux étudiants qui n’avaient jamais mis les pieds à ses cours depuis le début de l’année, le professeur demande à l’auditoire où sont passés ces deux spooks. Spook, en anglais, signifie «spectre», «être absent du monde des vivants»; mais aussi, en argot des années cinquante, l’équivalent de notre peu reluisant «bougnoule». Aussitôt, c’est le tollé et M. Silk est soupçonné de racisme. Il préfère démissionner, la suite du roman expliquera pourquoi.
La leçon est claire: la méconnaissance de la langue est une cause dommageable, non seulement à la compréhension entre les humains, mais encore à la structure même de la pensée. La langue ne peut être réduite à sa seule dimension de communication; elle possède en plus une dimension esthétique et, qui plus est, elle est la grammaire de la pensée. On réfléchit avec des mots, des phrases, des règles d’organisation comme celle de l’antériorité et de la consécution. Certes, du point de vue de la seule communication, l’argot peut suffire. Non pas que l’argot soit méprisable, car il existe une richesse des termes argotiques. Mais l’erreur serait de préjuger que l’argot est la norme, comme ces étudiants qui n’imaginent même pas que le mot spook puisse avoir un autre sens que celui, argotique, de «bougnoule» qu’ils lui prêtent.
Ainsi l’inculture, parce qu’elle fait perdre le sens des mots et celui des nuances, cette inculture qui s’installe nos écoles et nos facultés, est un puissant accélérateur de la nouvelle éthique du wokisme. Elle installe durablement un manichéisme simpliste et finit par faire croire à tout un peuple que l’axe du bien et du mal se partage le monde: riches et pauvres, Blancs et Noirs, exploitants et exploités.

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