Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
La beauté sur la terre
L’art devrait se glorifier
de répondre à la beauté du
monde et, par cela, de lui
donner un sens.
«L’Univers n’est pas obligé d’être beau, et pourtant il est beau. A la lumière de cette constatation, la beauté du monde, en dépit des calamités, nous apparaît également comme une énigme», écrit François Cheng dans «Cinq méditations sur la beauté». Cela fait un bien fou que de lire que le monde dans son existence est beau, qu’il surgit dans un jaillissement de lumière, à l’heure où l’art lui-même se réclame de la laideur, de l’insignifiance, du rien ou du futile. L’art actuel veut choquer le plus souvent, mais il ne choque plus personne dans une société déjà choquante, qui se borne à la vacuité et à la débilité woke. L’art, au contraire, devrait se glorifier de répondre à la beauté du monde et, par cela, de lui donner un sens.
Chacun a en mémoire la consternante Eurovision de la chanson 2024 ou l’épisode de la Cène lors de la cérémonie inaugurale des JO à Paris: l’homme centré sur sa métamorphose permanente, qui se donne comme modèle à tout l’imaginaire collectif. Lors de cette mise en valeur de figures infiniment minoritaires, on veut inverser le rapport qui existe entre la norme et la marge, et ainsi délivrer l’homme du souci de la beauté, décrétée réactionnaire. On promeut une esthétique de la laideur; on est en passe de l’imposer.
Bien sûr, chacun a le droit d’aimer ce qu’il veut, mais au moment où tout un système médiatique officiel, une politique, expose une sorte de débauche provocatrice et qu’on juge que ce qui s’écarterait de cette nouvelle norme est du dernier conservatisme, il est légitime de se demander si effectivement chacun a le droit d’aimer ce qu’il veut. Car enfin une rhétorique culpabilisante rappelle incessamment qu’aimer la beauté est passéiste et donc bourgeois; que se référer à deux seuls sexes est inepte; que reconnaître la beauté du monde équivaut à s’agenouiller devant ce qui nous dépasserait; qu’écrire de manière non inclusive est perpétuer les inégalités. On préfère donc défigurer ce qui est fragile. Le mot de René Char: «Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté».