Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
«Je ne crains pas la mort…»
«Se moquer des travaux universitaires, jamais très utiles: ils obscurcissent la plupart du temps…»
«Ce n’est pas la culture qui compte, mais le goût de la culture, je veux dire l’envie. Le jour où il n’y aura plus cette envie, à quoi les gens s’occuperont-ils? A aller le plus loin possible en vacances au fin fond de l’univers, en payant des sommes colossales, après être restés à voler en avion des heures et des heures, alors qu’on est si bien à se dorer au bord du Cher!»: Lucien Jerphagnon. On le connaît trop peu, Lucien Jerphagnon. C’était le philosophe tel que nous l’avons tous imaginé, celui qui traçait un trait d’union entre Platon et Goscinny. On cheminait avec lui chez les Grecs et les Latins, pour mieux approcher le noyau du mystère de l’homme, qui cherche à prendre conscience de lui-même et du monde. Il était une sorte d’aventurier de la pensée antique.
Ce qui compte donc, c’est d’avoir envie. Une envie curieuse. Le philosophe ne doit jamais sacrifier aux diverses et éphémères modes de lecture; il faut se faire détective et pour cela ne rien tenir pour vrai qu’on ne l’ait vérifié expressément. Lire, beaucoup lire, encore lire, toujours lire, travailler sans cesse. Aller directement au texte et économiser les explications diverses. Se moquer des travaux universitaires, jamais très utiles: ils obscurcissent la plupart du temps, alors que la lecture et la méditation des textes ouvrent les pages les plus difficiles. Celles de saint Augustin entre autres. Jerphagnon a dirigé la publication des trois volumes de l’œuvre dans La Pléiade de Gallimard et en a écrit la préface. Préfacer saint Augustin n ’est pas rien, lorsqu’on s’affronte à un pareil géant de la pensée religieuse.
Sa vie fut une vie d’envies, de curiosités, d’érudition et d’humour. Universitaire exceptionnel, il est décédé à 90 ans, en 2011. «J’aimerais que le bon Dieu manœuvre l’interrupteur gentiment. Notez que je ne crains pas la mort. Avant de casser ma pipe, j’essaie de faire remonter vers le divin tout ce qu’il y a de divin en moi… Oui, j’ai plus peur des soins que de la mort».