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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Fête des voisins

14 Juin 2023 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

L’individualisme nous isole-t-il tant qu’il faille dresser la table du festin au milieu de la rue pour y convier tous ceux qui nous cassent les pieds le reste de l’année?

Ouf! La fête des voisins a eu lieu! C’est derrière nous pour cette année. La Ville de Genève, avec sa nigaude écriture inclusive, invite tout le monde à célébrer ses voisins, à tisser des liens dans une ambiance merveilleusement conviviale. Figurez-vous que «la Ville de Genève met à votre disposition des affichettes et des cartes pour inviter vos voisin-e-s». Soyons francs! Les voisins (et les voisines, pardon!) sont souvent les causes premières de l’irritation quotidienne, ils (et elles) augmentent la difficulté d’habiter: les odeurs, les bruits, la musique, les rires, les invitations, tout chez eux nous déplaît, et les meilleurs voisins sont d’ordinaire ceux qui habitent à l’autre bout de la rue. Il existe heureusement des exceptions et, avec elles, nul besoin de fête pour se rencontrer, nul besoin de la tyrannie ordinaire des festivocrates patentés.
Pourquoi avons-nous tant besoin de ces thérapies collectives qui sont orchestrées par l’industrie du «vivre-ensemble»? Pourquoi donner dans cette tyrannie du bien? L’individualisme nous isole-t-il tant qu’il faille dresser la table du festin au milieu de la rue pour y convier tous ceux qui nous cassent les pieds le reste de l’année?
Une première réponse vient de la manie de toujours vouloir «faire la fête». Plus un jour de libre dans le calendrier annuel sans qu’il soit immédiatement squatté par la fête de ceci ou de cela. Or «faire la teuf» sonne à l’oreille de chacun comme quelque chose de positif. On y cède sans trop résister.
Une deuxième réponse plonge ses racines dans notre culpabilité: seule une série d’actions altruistes va pouvoir compenser notre terrible égoïsme. Partager est évidemment une action positive, nul ne le niera. Mais lorsque le partage perd sa gratuité pour devenir la marque d’une obligation collective, on sent peser sur lui le carcan de la morale à deux sous. Le prêchi-prêcha moderne attriste même les plus joyeux d’entre nous. Parce qu’en fait, bons Samaritains que nous sommes, nous confondons voisin et prochain.