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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Epuration éthique

16 Mar 2022 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

Récrire l’histoire en la jugeant à partir de nos certitudes actuelles?

Donc la Ville de Genève, très à gauche et très soucieuse de la bien-pensance tous azimuts, a commandé une étude afin d’évaluer si rues et monuments locaux étaient conformément dans l’axe du Bien: on parle ici de Rousseau, de Voltaire, de Carl Vogt ou du président Wilson, parmi d’autres! Il s’agit de les déloger de la cité, ou du moins d’alerter les citoyens sur les pensées de ceux que l’histoire a honorés sans vraiment se poser l’unique question: sont-ce des gens bien?

On reconnaît évidemment ici le vaste mouvement de déconstruction qui traverse nos sociétés; les maîtres censeurs sont à l’œuvre, et leur cohorte de gardes rouges les soutient. On se rappelle comment, sur les photos des grands hommes d’URSS, on effaçait ceux tombés en disgrâce ou que les kremlinologues tenaient pour douteux. Le Père Ubu, avec son crochet à nobles, n’aurait pas fait mieux: l’épuration est l’arme des «protecteurs» du bon peuple, celle des gardiens du Juste. Et ce lynchage prend des masques progressistes. En fait, il s’agit de récrire l’histoire en la jugeant à partir de nos certitudes actuelles. A cette aune, on ne devrait plus lire Aristote ni Platon, qui pratiquaient l’esclavage d’un cœur léger, ni tant d’autres qui dans l’histoire ont défendu telle ou telle cause aujourd’hui proscrite. Après tout, les hommes du XXIIe siècle pourront aussi nous passer à la grille d’évaluation qui sera la leur! Comme nos Sioux socialistes, ils proposeront «des pistes» possibles de correction.

Dans quelques maisons d’édition francophones et anglophones déjà, on embauche des lecteurs pour opérer un contrôle idéologique du contenu des romans, afin de ne pas choquer certaines minorités. Donc on lit les manuscrits et on en épure les éventuels stéréotypes. Des essais, des rapports sont aussi frappés d’interdit jusqu’au sein de l’Université. Comme en Ville de Genève, il faudra passer devant le commissaire politique pour être assuré que telle rue ou telle statue sera dans la ligne idéologique du Bien incurable.
Car, voyez-vous, le monde va toujours plus mal qu’on le croit.