Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
En toutes choses, apercevoir la fin
Le surtourisme détruit ce qu’il
touche. Alors, pour vendre leur
camelote, les marchands du
temple ont inventé le «tourisme
écologique». Une vaste blague!
L’industrie touristique amène des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux. On n’en était pas là il y a quinze ans, on y est maintenant. Le tourisme raisonnable est une bonne chose pour tout le monde, le surtourisme actuel est catastrophique. A telle enseigne d’ailleurs qu’à l’instar d’autres villes, Venise ou Barcelone veulent le limiter, et Rome entend faire payer les millions de personnes accourant à la fontaine de Trevi. Le but est simple: modérer le flux continuel de gens en bermuda qui viennent prendre des photos et manger des glaces. L’évasion est devenue une invasion.
Tous ces sites, ces monuments, ces temples, ces pyramides, ces Pont-du-Gard qui ont traversé des millénaires jusqu’à nous, sont assiégés par les autocars, les buvettes, les boutiques de souvenirs et autres conforts indispensables au bien-être du touriste. Le monde est divisé en «destinations» où tout semble conforme, exacte réplique des mêmes aménagements, afin de rendre accessible «à tous et toutes (!)» le même pittoresque, les mêmes rivages, les mêmes selfies et les mêmes couchers de soleil.
Ainsi, dire d’un endroit qu’il est touristique n’est jamais élogieux; c’est une invitation à ne pas s’y rendre. On ne peut plus continuer à ce rythme. Donc l’avenir du tourisme réside dans une augmentation des prix et des temps d’attente: il faudra une éternité pour pouvoir visiter tel lieu et il faudra payer cher pour le faire. Les impatients et les pauvres seront maintenus à distance. Notre époque qui ne jure que par l’égalité et par la mise à disposition du monde à «tous et toutes (!)» n’avait pas anticipé cette évolution comique. Le surtourisme détruit ce qu’il touche. Alors, pour vendre leur camelote, les marchands du temple ont inventé le «tourisme écologique». Une vaste blague!
Mais rien n’est plus intéressant que ce qui n’aurait jamais pu exister à une autre époque, et il ne reste plus à nos contemporains que le choix suivant: habiter le monde comme un touriste ou comme un homme.