Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Des chiffres ou des lettres
Les maths sont essentielles à la formation de l’esprit. On a grand tort de penser qu’on peut sacrifier sans dommage un pan du savoir aussi formateur.
Les maths sont souvent source d’angoisse et de mauvais souvenirs d’école. «Moi, je n’aime pas les mathématiques, car elles sont rébarbatives», «je suis nul en maths», voilà ce qu’on entend souvent, car elles sont associées à l’échec. Curieusement d’ailleurs, certains revendiquent cette nullité comme un trophée qui suscite la complicité entre ceux qui détestent les maths. Une communauté «phobe» se crée. C’est plutôt sot, car cela ruine l’image des sciences exactes, ainsi que leur importance.
Les maths sont essentielles à la formation de l’esprit et je ne crois pas une seconde qu’il y ait deux sortes de proéminences: la bosse des maths et la bosse des lettres. Je crois plutôt qu’on n’a pas fourni à tous les élèves le manuel nécessaire. En effet, pour accéder au monde scolaire des mathématiques, il faut faire des gestes mentaux invisibles. Personne ne le dit, personne n’en parle, mais il existe pourtant un mode d’emploi psychologique à l’utilisation de cette discipline, bien connu de ceux qui l’aiment parce qu’ils la comprennent. Faire des maths, c’est faire jouer dans notre esprit des schémas intérieurs qui organisent les relations entre les éléments formels, c’est articuler des images mentales selon des règles.
Il est vrai que pour ce qui est des lettres, ces images mentales sont différentes, mais si elles semblent plus affectives, elles ne sont pas d’une autre nature, car pour comprendre le monde ou pour saisir une langue, nous devons prendre appui sur un modèle intérieur. Ce modèle est en mouvement, il se transforme à mesure que nous lui ajoutons des éléments; ces matières constituent ce qu’on appelle la culture. Bien des romanciers ou des artistes ont suivi des études de mathématiques, qui les ont servis comme une base arrière organisationnelle.
Aujourd’hui l’enseignement des mathématiques décline, sous l’œil indifférent des responsables politiques de l’instruction publique qui sont, le plus souvent, des littéraires. On a grand tort de penser qu’on peut sacrifier sans dommage un pan du savoir aussi formateur que celui-là.