Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Demeurez!
L’immobilisme a remplacé le bougisme qui caractérisait la fin du siècle précédent.
La crise Covid, largement enflée par les médias et exploitée par les politiques, a mis à jour la nouvelle tendance de nos sociétés exténuées: demeurer chez soi, vautré sur son canapé, un soda à la main, à regarder Netflix ou Youtube, tout en maugréant contre un monde trop peu solidaire.
Depuis l’arrivée en force de la planète entière et en temps réel sur nos tablettes et nos smartphones, plus besoin de sortir ni d’aller à l’aventure à la rencontre du monde, puisque c’est le monde connecté et ludique qui entre chez nous. Le confinement Covid n’a fait qu’accélérer une tendance de fond qui se profilait depuis deux décennies. Ce repli à domicile, le philosophe Pascal Bruckner l’analyse dans son nouvel essai, «Le sacre des pantoufles». Cette dictature de la robe de chambre, qui préfigure la mort, scelle la présence d’un cloisonnement, d’un enfermement d’un nouveau genre: l’immobilisme a remplacé le bougisme qui caractérisait la fin du siècle précédent. Mais c’est dans cette clôture que le monde bouge pour nous sur nos écrans, dans cette clôture qu’on s’émeut des drames du monde, qu’on redresse le torse face aux islamistes, qu’on joue aux bravaches sur les réseaux en écrivant ce qu’il faut faire d’urgence… mais qu’on ne fait strictement rien.
On se rappelle le mot de Blaise Pascal: «Tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre». Pour lui, l’homme se divertit pour fuir l’angoisse de la mort; il ne demeure pas en repos et s’agite vainement; même un roi sans divertissement est le plus malheureux des êtres. Le remède du confinement n’en est finalement pas un pour Pascal.
L’angoisse de la mort et la conscience de notre finitude n’ont cependant pas déserté le cœur des hommes d’aujourd’hui, mais c’est le divertissement qui pénètre dans leur chambre. Même le plus tragique les divertit dans la longue succession des drames filmés; un clou chasse l’autre. Il interpose une vitre déformante entre eux et le monde réel: la puissance du virtuel, du jeu, du simulacre. On fait «comme si» on vivait.