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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Délivre-nous du mal

29 Mar 2023 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

Un trou dans un habit n’est pas une option de cet habit, mais une absence d’habit à un endroit particulier.

Très tôt la tradition occidentale a compris que le mal n’était pas quelque chose, mais l’absence de quelque chose, qu’il n’était pas une réalité parmi d’autres, mais la privation d’un bien. C’est une absence d’être, un trou. Un trou dans un habit n’est pas une option de cet habit, mais une absence d’habit à un endroit particulier. On peut d’ailleurs comprendre le trou, non pas en lui-même, mais par rapport à ce qui l’entourne, c’est-à-dire au tissu qui en marque les contours. Le vide ne se saisit que par le plein, le mal que par le bien.
Notre époque, marquée par le subjectivisme, a tendance à réduire le mal à ce qu’on en éprouve. On éprouve de la souffrance dans notre vie, on la craint pour les nôtres, on expérimente la maladie et on pense que le mal est une maladie. Il suffirait donc de diminuer la souffrance pour que le mal diminue ou disparaisse. Cette tendance se résume ainsi: puisque nous avons pris congé du monde, nous nous accrochons à notre représentation du monde. Bien évidemment que la maladie, physique ou psychique, est un mal, mais ce n’est pas le seul, et de loin!
En effet, pour l’homme, le mal est la privation de ce qu’il désire le plus; il est donc contraire à sa nature. Mais il existe des formes du mal qui, loin de répugner, exercent une certaine attirance. Une séduction, une tendance, une inclination. Ce mal qui ne fait pas obstacle à nos aspirations, nous le rencontrons le plus souvent dans nos injustices, dans notre désir de vengeance, dans la guerre. Bref dans tout ce qui nous éloigne d’une saine perspective, mais qui nous plaît néanmoins.
Je me suis souvent demandé si cette prière sous forme d’impératif, «Délivre-nous du mal», n’était pas celle d’une requête pour éloigner de nous, bien sûr ce qui nous fait souffrir, mais aussi ce qui nous attire. Il ne s’agit pas seulement de se soigner d’une maladie, d’ingurgiter un remède, il s’agit de ne pas céder à la tentation négative, qui nous rend morbides, aigris et aveugles. C’est peut-être le combat le plus difficile.