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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Connemara

23 Août 2023 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

Attribuer à la droite ou à la gauche une musique est peu sérieux, à moins bien sûr qu’on veuille alimenter une polémique stérile.

Le rôle des chansons est de nous rappeler l’âge que nous avons et les rêves qui ont, jadis, organisé nos émotions. Certaines nous ont accompagnés durant des années, et chacun se rappelle telles ou telles vacances, telle rencontre, telle ambiance aussi. Il y a une part de rêve dans les chansons, même les plus nigaudes, même les plus fades, car cette part est subjective.
Mais quelques chansons ne sont pas si subjectives: elles ont poussé des jeunes à visiter un pays. «Girl from the North country» de Bob Dylan, par exemple, porte un tel pouvoir onirique que bien des gens sont partis pour la Scandinavie et pour le cap Nord. «Les lacs du Connemara» de Sardou a alimenté de nombreux rêves irlandais, des voyages, même si les paroles évoquent plus l’Ecosse que le Connemara lui-même. Peu importe l’exactitude de «Our generation» de Pete Seeger. Il suffit qu’elles nous emportent au loin. Il est aussi absurde de prétendre que la musique de Dylan est de gauche ou que celle de Sardou est de droite. Certaines paroles peuvent en revanche se révéler très typées, il est vrai, mais la musique est plus universelle.
Je me rappelle les fortes discussions à propos des «Carmina Burana» de Karl Orff, créées en juin 1937. La musique cadencée, cette sorte de grande communion à laquelle elle invite, la vitalité rythmique, la simplicité des mélodies, la répétition qui donne un sentiment hypnotique, tout a plu au régime nazi de l’époque. Les textes, eux, proviennent du Moyen Age; ils sont neutres du point de vue partisan. Mais pour avoir plu à un détestable régime, pour avoir été louée par cette dictature, cette musique est-elle pour autant nazie? Entend-on le «Sieg Heil» dans les chants des chœurs? Si c’était vrai, pourquoi les Carmina plaisent-elles encore aujourd’hui? Innombrables sont les gens qui les chantent, qui les jouent, qui les écoutent, quelles que soient leurs orientations politiques.
Attribuer à la droite ou à la gauche une musique est peu sérieux, à moins bien sûr qu’on veuille alimenter une stérile polémique qui plaise aux médias au cœur de l’été.

Précisions

Aphrodite et Athéna

Après les lecteurs qui s’étaient passionnés pour des questions pointues d’héraldique (voir Le Journal de l’Immobilier Nos 84, 85 et 86) une nouvelle volée de lecteurs cultivés, pour la plupart abonnés au Temps, se sont manifestés dès la parution de notre No 87, qui titrait en «Une»: «Albion cessera-t-elle de défier Aphrodite?». L’article concernait les efforts méritoires du Comité suisse pour la réunification des marbres du Parthénon, présidé par le professeur Dusan Sidjanski, afin d’obtenir la restitution de la frise du célèbre monument, actuellement détenue par le British Museum.
Quelques lecteurs nous ont fait remarquer que la colline sacrée d’Athènes était le domaine d’Athéna, déesse éponyme de la capitale grecque. Nous leur avons fait observer que si Lord Elgin avait bien offensé Athéna, Albion – c’est-à-dire l’Angleterre – défiait Aphrodite, déesse de la beauté et incarnation de la culture grecque, en refusant (contrairement à d’autres) de rendre les précieux marbres aux Hellènes. M. Pierre Michot, l’un de nos lecteurs, a admis de bonne grâce cette argumentation, mais a souligné que les Caryatides illustrant notre première page n’appartenaient pas au Parthénon, mais à son voisin l’Erechteion.
Choisie pour son esthétique, cette illustration permettait néanmoins d’évoquer d’autant mieux le sujet des disparitions d’antiquités, que sur les six jeunes femmes statuifiées, aucune n’est authentique, les originaux se trouvant au Musée de l’Acropole pour cinq d’entre eux et… un au British Museum, comme le relève M. Michot! Toutes les personnes intéressées par ce dossier auront d’ailleurs goûté l’ironie du sort: le prestigieux musée londonien, qui prétend toujours ne pouvoir se séparer d’aucun objet et assure que ceux-ci sont bien à l’abri, vient de découvrir qu’un de ses employés volait et endommageait des objets depuis des années!