Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Big Other
On doit donner rendez-vous au passé pour pouvoir embrasser l’avenir. Le contraire de ce qu’on est en train de faire.
Paul Valéry annonçait une «ère nouvelle qui enfantera des enfants qui ne tiendront plus au passé par aucune habitude de l’esprit. L’histoire leur offrira des récits étranges, presque incompréhensibles, car rien dans leur époque n’aura eu d’exemple dans le passé, et rien du passé ne survivra dans leur présent». Or le droit à la continuité, c’est-à-dire le fait que l’homme ne peut pas vivre sans un certain cumul de passé, est aujourd’hui bafoué. D’une part, par ceux qui veulent du passé faire table rase, déboulonner les statues, débaptiser l’«Uni Carl-Vogt», modifier le nom de rues, massacrer la langue avec l’écriture inclusive et la rectification orthographique, récrire une histoire épurée; d’autre part, à travers une obligation pénitente de repentance, couplée à un enseignement de l’histoire et de la littérature sans chronologie et qui fait la part belle aux cultures et civilisations étrangères, empêchant nos peuples de convoquer leur passé collectif.
La continuité historique d’un peuple implique l’existence d’un passé, non seulement son existence mais aussi la connaissance de ce passé, permettant ainsi sa transmission aux générations futures. Or notre école refuse de faire ce travail, et l’oubli gagne les populations européennes, laminées encore par l’immigration massive.
Dans une société où les identités particulières sont publiquement glorifiées, où il est bien vu d’afficher une repentance xénophile, où Big Other devient la référence, où les prétendues discriminations donnent des droits à tout le monde sans exiger le moindre devoir, nous assistons à un mouvement incontrôlé de revendications d’individus ou de minorités marginales défendant leurs intérêts catégoriels. Cette montée du communautarisme nuit à une vision universelle qui a pourtant fondé l’organisation de nos valeurs essentielles. Elle nuit surtout au droit légitime à la continuité: il faut conserver pour pouvoir innover. On doit donner rendez-vous au passé pour pouvoir embrasser l’avenir, et donc faire le contraire de ce qu’on est en train de faire.