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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Banalité du mal

8 Nov 2023 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

Le mal est lié à une
incapacité à penser.

«Plus on l’écoutait, plus on se rendait à l’évidence que son incapacité à s’exprimer était étroitement liée à son incapacité à penser. […] Il était impossible de communiquer avec lui, non parce qu’il mentait, mais parce qu’il s’entourait de mécanismes de défense extrêmement efficaces contre les mots d’autrui, la présence d’autrui et, partant, contre la réalité même». Ce jugement est celui de Hannah Arendt à propos d’Eichmann, le bourreau nazi du peuple juif, jugé à Jérusalem en 1961, après que les services secrets israéliens l’eurent capturé dans la banlieue de Buenos Aires.
Le mal donc est lié à une incapacité à penser. Cela ne veut pas dire que les gens intelligents ou rompus à l’art de l’argumentation soient seuls capables de distinguer le bien du mal, mais que s’il leur manque le «sens commun», les hommes ne peuvent plus voir clair dans ce qu’ils font. Adolf Eichmann manquait de ce sens commun:
1. Incapable de penser par lui-même, il s’en remettait à ses chefs.
2. Incapable de se représenter ce que les autres pouvaient ressentir, à aucun moment il ne s’autorisait à prendre en considération leur souffrance.
3. Incapable enfin de suivre une ligne logique, il sombrait dans l’inconséquence.
Hannah Arendt affirme que cette inaptitude à penser, c’est-à-dire à mettre en œuvre la condition minimale commune pour qu’une activité entre tous les hommes soit possible, est d’une terrible banalité. Le mot choque, d’autant plus après la récente barbarie du Hamas en Israël. Non pas, évidemment que les crimes imprescriptibles d’Eichmann soient minimisés par la banalité dont elle parle, mais parce que l’absence de pensée, de distance critique, est en définitive le refus d’envisager le sens de ce qu’on fait. Donc de juger ses propres actes.
Plus simplement, refuser de penser, c’est s’en remettre aux clichés, aux lieux communs, c’est s’alimenter dans l’auge du prêt-à-penser que les médias, les journaux à sensation, les réseaux, les faiseurs approvisionnent à notre usage pour répondre du tac au tac à notre paresse endémique.