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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

Autorité et pouvoir

13 Nov 2024 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

L’autorité des parents, des
médecins, des profs, des
policiers, des soignants, des
juges ou des pompiers ne va
plus de soi.

Depuis le XVIIIe siècle, on sait que l’individu est né libre et qu’il dispose de suffisamment de raison pour savoir ce qu’il doit faire, dire ou penser. Mais lorsqu’il vit en société, c’est-à-dire avec d’autres hommes libres et raisonnables, il se retrouve dans une situation plus délicate, car une communauté ou un Etat doit gérer (gouverner) ce qui ne peut se contenter de demeurer une juxtaposition de personnes indépendantes. Il faut qu’apparaisse une volonté générale qui est plus que la somme des volontés individuelles.
La règle qui s’applique est alors la suivante: j’abandonne à la communauté mon droit de me gouverner moi-même (ma liberté), à la condition que les autres aussi lui abandonnent leur même droit, et que l’Etat autorise équitablement toutes les actions personnelles. Les formes les plus spontanées de liberté ont une limite, dans la mesure où elles sont pour tous identiquement limitées.
Seulement voilà: cette règle est simple et raisonnable, mais elle est fragile. Plus l’individualisme augmente, moins chaque membre est d’accord d’entrer dans le pacte social et donc de se restreindre volontairement. Quel sens y aurait-il à s’affaiblir soi-même si personne ne respecte l’autorité politique?
Il existe ainsi une logique de la disparition: si le mot d’ordre est de permettre à chacun d’adopter les options qui lui conviennent, de privilégier son «ressenti» personnel, l’autorité a tendance à s’effacer. Non pas à disparaître, mais à ne plus être la référence indiscutable. C’est ce que nous vivons: l’autorité des parents, des médecins, des profs, des policiers, des soignants, des juges ou des pompiers ne va plus de soi. Mais la fin de l’autorité, inéluctable dans une démocratie libérale comme la nôtre, n’est cependant pas la fin du pouvoir.
Ainsi, au lieu de sautiller sur sa chaise en demandant le retour de l’autorité, ce qui n’arrivera pas, on ferait mieux de repenser le rôle du pouvoir politique, compatible autant avec l’ordre républicain qu’avec la liberté.