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Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau

«A quoi bon!»

1 Mar 2023 | Les 4 vérités de Jean-Marc Vaudiau

C’est un aquoiboniste, un faiseur de plaisantristes,
qui dit toujours à quoi bon,
à quoi bon…
(Serge Gainsbourg, Jane Birkin)

Le démon de l’«à quoi bon» est un des plus tenaces qui soient lorsqu’on observe le monde autour de nous. Chacun, devant les difficultés multiples et les découragements, se laisse souvent aller à l’«à quoi bon», puisque de toute façon il ne sert à rien d’agir: on n’est jamais les plus forts et la marche du monde ne dépend pas de nous. Alors, on les traite volontiers de pessimistes, tous ces cœurs résignés à l’impuissance où l’univers les jette. Puis, sans plus attendre, comme la vérole s’abattait jadis sur le bas-clergé, les moralistes d’aujourd’hui surgissent de partout, mus par la volonté d’aider, de faire la leçon, de dire comment il faut en user. Ils agitent le drapeau multicolore de l’optimisme.
Ah! l’optimisme! Mais l’optimisme est un aveuglement, c’est l’alibi des hypocrites, de ceux qui dissimulent sous une couleur compassionnelle leur propre satisfaction d’eux-mêmes. Ils sont optimistes pour n’avoir pas à regarder le réel comme il est, et ainsi se dispenser d’avoir pitié des hommes. L’optimiste pense que les choses qui périclitent se redresseront toutes seules. Alors, à quoi bon?
Or refuser l’optimisme est le courage de mettre sur la touche l’«à quoi bon», car c’est la confusion entre l’espérance et l’optimisme qui décourage. Un théologien dira que l’optimisme est l’espérance sans Dieu, une espérance profane, c’est donc le Tiers exclu. L’homme de l’optimisme est seul face au monde qu’il juge spontanément réversible. L’espérance semble au contraire disposer l’âme à l’attente. L’attente, non pas celle d’un problématique Godot qui n’arrive jamais, mais l’attente d’une force intérieure qui permet de vivre intensément le présent. L’espérance est chevillée au présent et elle ne l’est pas à un rêve béat pour demain. Dans l’espérance, l’«à quoi bon» est comme dissous dans la force de l’instant. Chaque situation devient moins irrévocable, parce que l’homme de l’espérance transite d’une haine misérable vers un amour possible, le Tiers inclus.