KOSMOS - Antoine Preziuso Genève
Lorsque le temps, l’horlogerie et une famille entrent en résonance
Avec une carrière de plus de quatre décennies, Antoine Preziuso incarne l’excellence horlogère suisse. Ses créations – des pièces uniques ou produites en série limitée – séduisent une clientèle en quête de rareté et de technicité. Doublement primé (Prix de l’innovation et Prix du public) au Grand Prix d’horlogerie de Genève (GPHG) en 2015, la montre Tourbillon des Tourbillons est le fruit de 44 ans d’indépendance horlogère et d’une passion qu’Antoine Preziuso a su transmettre à son fils Florian, avec qui il a collaboré étroitement pour surmonter les innombrables obstacles menant au lancement de cette première mondiale.
D’origine italienne, né à Genève en 1957, Antoine Preziuso – dont le patronyme signifie «précieux» – se passionne très tôt pour l’horlogerie avant d’apprendre les ficelles du métier à l’Ecole d’Horlogerie de Genève, formation qu’il termine brillamment en 1978. Il acquiert alors une solide expérience auprès d’importantes maisons horlogères (Patek Philippe) et de restauration de montres de collection (Antiquorum), puis décide d’ouvrir son propre atelier d’horlogerie ancienne à Genève, en 1981. Sa réputation de grand horloger est rapidement établie et il se voit confier des pièces rares par le Musée d’Horlogerie de Genève ainsi que par de grands collectionneurs.
La première montre portant la signature d’Antoine Preziuso voit le jour en 1986. Baptisée Siena, elle s’inspire de l’horloge du clocher de la Place del Campo à Sienne; cette montre est munie d’un cadran en marbre et d’aiguilles de style baroque. Elle est produite encore aujourd’hui en série limitée, sous une déclinaison nacre, plus petite que celle d’origine: c’est d’ailleurs une de ces pièces qui orne le poignet d’Antoine Preziuso. Quelques années plus tard, une première montre est fabriquée sous la marque «Antoine Preziuso Genève», honorée par le fameux label «Poinçon de Genève». Dès lors, les succès s’enchaînent pour Preziuso, qui se distingue par son approche audacieuse et ses créations mêlant esthétique et technologie. En 2020, l’artisan horloger est honoré par ses pairs grâce au «Prix Gaïa 2020 – catégorie Artisanat & Créations» qui salue «son approche systémique de la mécanique horlogère dans ses créations exceptionnelles, sa persévérance dans le développement de sa marque et son engagement dans la transmission de sa passion».
Cet infatigable maître en créations horlogères travaille en famille, à l’image des anciens cabinotiers du faubourg genevois de St-Gervais. Ses enfants ont mis le doigt dans l’engrenage, pour ainsi dire. Son fils Florian, également horloger talentueux, est aujourd’hui très impliqué dans toutes les nouvelles créations. Par ailleurs enseignant à l’Ecole d’horlogerie de Genève, il maîtrise l’aspect recherche et développement et production de la société. Quant à sa fille, Laura, elle conjugue joaillerie et technique horlogère à travers une collection de bijoux mécaniques. Un talent qui rend les bijoux vivants! Et pour la gestion des diverses facettes de l’entreprise familiale, May, son épouse, vient compléter ce trio créatif.
Triple Tourbillon Météorite.
Siena 9.
Les météorites: de l’espace au poignet
Antoine Preziuso est un précurseur dans l’utilisation de matériaux tels que la météorite, le titane ou les pierres précieuses. C’est à lui que l’on doit, en 1989 déjà, une pièce unique, Répétition à Quart, dotée d’un cadran en météorite Gibéon. En 2002, il dévoile le Tourbillon meteor, une montre entièrement en météorite: boîtier, cadran, boucle et aiguilles, conférant ainsi une dimension universelle à la relation entre l’espace et le temps que Preziuso n’a, dès lors, cessé d’explorer. «J’emmenais régulièrement mes enfants observer les Perséides dans le Jura. Un jour, une énorme étoile filante a passé devant nos yeux, provoquant un déclic: pourquoi ne pas utiliser la météorite dans mes montres, ces morceaux de débris spatiaux qui ont survécu à un voyage incandescent à travers l’atmosphère et finissent par tomber sur la surface de la terre?», raconte-t-il.
Florian adhère à sa passion et ensemble, ils commencent à collectionner les météorites, dont certaines sont des trouvailles personnelles ramenées de voyage. Père et fils développent une technologie unique pour façonner ces précieux fragments d’éternité, un savoir-faire convoité loin à la ronde. «Il n’y en a jamais deux identiques, chaque météorite possède sa composition et son caractère inimitables, disent-ils. Leur utilisation dans les montres procure un look et une sensation uniques». Aujourd’hui, la communauté scientifique s’accorde à considérer que les météorites proviennent de l’explosion d’une supernova ou des noyaux métalliques des planètes ou des planétoïdes. A ce titre, elles recèlent différents matériaux qui n’existent pas sur terre. Pour le duo Preziuso, les météorites ne sont pas seulement une matière à sculpter: ancrées dans d’innombrables cultures et religions, elles ouvrent les portes à l’imaginaire, évoquant les origines de la vie. «Ces garde-temps en météorite sont susceptibles d’avoir un impact impressionnant sur leurs propriétaires», ajoute Florian qui, après avoir sondé l’infiniment grand, auquel la météorite participe, s’apprête à capturer l’infiniment petit, soit l’atome. Il est d’ailleurs en contact avec le CERN pour un nouveau développement en lien avec la physique quantique… on n’en révélera pas davantage!
L’aboutissement de quarante ans
de métier
Depuis ses études, Antoine Preziuso est fasciné par le tourbillon, dont la signification renvoie au mouvement des étoiles, des astres, de la lune, au lever et coucher du soleil. En 2005, il développe une montre révolutionnaire: le Tri-Tourbillon. Breveté, son système implique la rotation de trois tourbillons, chacun sur son axe et sur le même plateau.
La véritable révélation, qui représenta un bond technologique pour l’industrie horlogère, fut le Tourbillon des Tourbillons, une création récompensée doublement au Grand Prix de l’Horlogerie de Genève (GPHG) en 2015. C’est en collaboration avec son fils qu’Antoine a imaginé et réalisé cette prouesse. La montre met en scène trois tourbillons disposés sur un plateau tournant. Ils entrent en résonnance comme trois cœurs qui battent à l’unisson. Pour réaliser ce ballet mécanique, il a fallu relever des défis d’une grande complexité. «Nous avons fait confiance à notre instinct d’horlogers, mais aussi de rêveurs», assure Florian.
Le Tourbillon des Tourbillons est protégé par trois brevets internationaux portant sur la pluralité de mobiles sur un plateau tournant, le triple différentiel et la découverte de la résonance des fréquences. Cette montre exceptionnelle – qui a demandé une dizaine d’années d’efforts, de calculs et d’imagination – a évolué en plusieurs variantes: avec un habillage classique, puis combiné avec la joaillerie dans le Trillion Tourbillon of Tourbillons, présélectionné au GPHG 2018. «Le Tourbillon des Tourbillons méritait tous les diamants du monde, commente Antoine Preziuso. Ici, les pierres précieuses sont montées sur des griffes, suspendues dans le vide et bravant, en quelque sorte, les lois de la gravité, ce qui permet à la lumière de s’y refléter pleinement». En 2023, une version météorite est produite, le Space View Tourbillon of Tourbillons; unique dans le monde de l’horlogerie, cette montre est sculptée dans une sidérite (astéroide), en allusion aux relations entre l’espace et le temps, aux origines de l’univers. Les trois tourbillons gravitent et tournent autour du centre de la montre, comme des planètes. Cette invention fera certainement partie du patrimoine de l’humanité, dans le champ de l’histoire de l’horlogerie. «Pour développer ces créations, nous donnons beaucoup de nous-mêmes. Les difficultés techniques nous hantent tant que nous ne les avons pas résolues», résume Florian.
Insert météorite façonné.
Bijoux Mécanique «Tourbillon of Love»: Mon coeur bat pour toi.
Mouvement AFP-TTR-3X «The power of Three».
Entre science et art
Quelle vision transparaît dans la marque Antoine Preziuso Genève? La plupart des modèles affichent la mécanique de l’horlogerie, rendant visibles la minutie, la précision, le soin apporté à chaque composant et rouage. Les heures n’apparaissent généralement pas sur le cadran car, comme relève Florian, «le temps doit être ressenti, vécu dans l’instant présent». Bien que l’innovation soit centrale dans les créations d’Antoine Preziuso, les horlogers travaillent de manière artisanale, avec des machines parfois centenaires. C’est ce qui procure «une âme» aux pièces. Par ailleurs, «nous nous passionnons pour la nature et ses éléments, qu’ils soient minéraux ou végétaux, déclarent père et fils. Une forme, une couleur, une texture sont matière à inspiration». Dans Tourbillon des Tourbillons, le chiffre trois – qui est récurrent – fait allusion à la passion, la patience et la persévérance qui ont mené à cette invention, des maîtres mots devenus la devise de la maison. Le nombre trois symbolise aussi le passé, le présent et l’avenir, soit les dimensions du temps qui habitent chacun de nous.
Pour conclure, le duo d’horlogers indépendants, concepteurs et designers – qu’on pourrait qualifier d’auteurs-compositeurs-interprètes – mentionnent les marchés étrangers où la marque est bien implantée. Le Japon est un pays extrêmement friand de ces montres, notamment le modèle Siena. Mais Antoine Preziuso ne fonde pas le développement de sa société sur une stratégie de marketing: ce sont des événements marquants qui l’amènent à innover et à faire rêver les gens. «Chaque montre a son histoire, aime-t-il à dire. Ce n’est pas juste un objet chronométrique, mais une pièce qui procure de l’émotion». Car une relation se développe avec son garde-temps personnel, une proximité à la fois physique – on le porte quotidiennement au poignet – et affective. «Cependant, la politesse d’une montre est de donner l’heure», souligne malicieusement le maître horloger.
Véronique Stein
Les 44 années d’horlogerie d’Antoine Preziuso Genève sont présentées dans la brochure richement illustrée «A travers le temps».
Elle peut être commandée sur le site:
www.antoine-preziuso.com