«Envol bleu», 1995. œuvre offerte à Patrick Aebischer.

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Fribourg

Une exposition a marqué le centenaire de l’artiste Yoki

2 Nov 2022 | Culture, histoire, philosophie

Pour les cent ans de sa naissance et les dix ans de sa disparition, le verrier et artiste peintre fribourgeois Yoki* vient de faire l’objet d’une modeste rétrospective au Musée d’art et d’histoire de Fribourg (MAHF). L’exposition évoquait les multiples facettes de ce verrier qui créa moult vitraux d’église en Suisse et à l’étranger, et décora de nombreux bâtiments publics et privés. Visite rapide.

Si Emile Aebischer prit le nom d’artiste de Yoki, c’est que ce surnom lui avait été donné à sa naissance en 1922 par le médecin qui accoucha sa mère. Le terme fut repris par ses frères et sœurs. Il découvrit plus tard que Yoki signifiait en japonais «être joyeux». Parfait portrait de celui qui, outre une sereine jovialité, faisait preuve d’une grande modestie jusqu’à sa mort en 2012. Pourtant, il ne cessa jamais de créer, en utilisant toutes les techniques artistiques, à l’exception de la sculpture: peinture sur toile, aquarelle, tapisserie, marqueterie, lithogravure, dessin, affiches publicitaires. Mais c’est principalement comme verrier que Yoki se fit connaître en Suisse comme dans le monde, en créant des vitraux d’églises, de couvents, de maisons privées, d’écoles, d’hôpitaux en Suisse, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie et Israël. Il ne cessa durant les 90 ans d’une vie entièrement consacrée à l’art de célébrer sa foi, la vie et l’amitié avec de grands artistes contemporains comme de simples habitants de son canton qui le considèrent aujourd’hui comme le plus grand artiste-peintre fribourgeois du XXe siècle.
Autodidacte (il fit un apprentissage de boulanger-pâtissier avant d’être engagé comme dessinateur dans l’atelier de l’architecte Fernand Dumas, co-créateur des bâtiments universitaires de Miséricorde à Fribourg) puis formé à Paris au sortir de la guerre dans l’Académie André Lhote et l’atelier de la sculptrice Germaine Richier, le jeune Fribourgeois se consacra d’abord à la peinture de chevalet, dont la modeste exposition du MAHF présentait plusieurs toiles des années quarante, propriété de son fils Patrick Aebischer, ancien président de l’EPFL.

L’art du vitrail

C’est à partir des années cinquante que Yoki va consacrer l’essentiel de son activité artistique au vitrail, cet art de la qualification de la lumière, comme il aimait à en donner la définition. Il va créer des œuvres figuratives et abstraites pour un grand nombres d’églises construites ou décorées à nouveaux frais en Suisse, mais aussi à l’étranger, principalement en France, où il travailla dans plus de quinze départements. L’un de ses plus importants mandats fut de décorer d’un cycle de vitraux représentant les apôtres la coupole de la basilique de Nazareth: l’exposition fribourgeoise en a présenté quatre cartons. Yoki orna de ses vitraux en dalles de verre des écoles, des bâtiments privés, des hôpitaux. L’exposition du MAHF présentait une partie du vitrail créé en 1969 pour l’ouverture du dancing du Plaza à Fribourg. Son art, immédiatement reconnaissable par le choix de couleurs d’une palette qui s’éclaircit à mesure du déroulement de sa carrière et de ses personnages hiératiques mais vivants, est aussi présent sous forme de tapisseries, qui décorent aujourd’hui encore les salles d’honneur de l’Université de Fribourg.

De sublimes paysages

Dans les années 1970, Yoki, tout en continuant de recevoir de nombreuses commandes de vitraux religieux ou civils, revint à la peinture sur toile. S’inspirant de la nature proche du Moulin de Courtanay, dans lequel il avait installé son atelier principal, il peignit alors des paysages poétiques et oniriques de la campagne environnante et notamment du lac de Seedorf. L’eau et plus généralement des éléments aquatiques – comme des roselières – sont souvent présents dans des œuvres subtiles et finement colorées de tons mauves, bleus et gris, en grand ou petit format. Bien que souffrant de la maladie d’Alzheimer, Yoki peignit régulièrement jusqu’à sa mort le 12 novembre 2012: la rétrospective présentait probablement son dernier tableau, un paysage automnal forestier.

 

Laurent Passer

 

*Voir Le Journal de l’Immobilier No 21, du 23 février 2022: «Yoki, maître de la lumière dans l’architecture», par Laurent Passer.