Yoki se consacra largement à l’art du vitrail, dont il devint l’un des meilleurs représentants
(Eglise Sainte-Thérèse, Fribourg).

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Centenaire de l’artiste fribourgeois Yoki

Maître de la lumière dans l’architecture

23 Fév 2022 | Articles de Une

La revue «Pro Fribourg», qui se consacre à la défense du patrimoine, célèbre le centenaire de l’artiste peintre et verrier Émile Aebischer, dit Yoki (1922-2012), dans un remarquable numéro spécial dirigé par l’excellent historien de l’art Philippe Clerc. Hommage à cet immense artiste suisse d’origine fribourgeoise, qui s’est illustré dans le vitrail et la peinture de chevalet et a créé de nombreuses œuvres dans des bâtiments publics et privés.

Pur self-made-man, Yoki a utilisé durant sa longue et féconde carrière toutes les formes artistiques, à l’exception de la sculpture: peinture, aquarelle, lithogravure, vitrail et dalle de verre, tapisserie. Surtout connu par son œuvre verrier, Yoki, de son vrai nom Émile Aebischer, a vécu de son art, inspiré par sa foi chrétienne, sans jamais chercher de commandes. Né en février 1922 à Romont dans une famille humble et unie, Yoki – ce sobriquet affectueux lui vient de sa mère et il l’utilisera comme nom d’artiste – a très tôt l’intention de devenir peintre. Mais il doit travailler pour aider sa famille et il commence un apprentissage de boulanger-pâtissier avant d’être ouvrier à l’usine Electroverre, puis d’intégrer l’atelier de l’architecte Fernand Dumas, où il va fréquenter les membres du Groupe de Saint-Luc, qui révolutionne l’art sacré en Suisse romande.
Il entre aussi en contact avec Hedy Hahnloser, collectionneuse mécène qui le conseille dans ses premiers pas de peintre et lui fait découvrir le meilleur de la peinture. Séjournant à Paris, ville pour laquelle il aura toujours une passion avouée, Yoki, excellent coloriste mais moins habile en dessin, fréquente des académies libres où il peut se confronter aux autres élèves. Dès 1949, Yoki se consacre principalement à la création de vitraux et de décorations murales. Il rencontre sa femme irlandaise Joan O’Boyle à Liverpool, où il décore une église. De cet amour d’une vie naîtra Patrick, le futur président de l’EPFL.

Yoki laisse derrière lui un corpus d’œuvres impressionnant et le souvenir d’un être de partage, d’un amoureux de la vie. (Eglise sainte-Thérèse, Fribourg).

Le choix du vitrail

Yoki va s’installer à Fribourg et abandonne longtemps la peinture pour se consacrer à l’art du vitrail, dont il va devenir l’un des meilleurs représentants. Il va créer des vitraux ou des dalles de verre dans nombre d’édifices civils et religieux de Suisse et de six autres pays, notamment en France, mais aussi en Italie et à Nazareth en Israël. «La succession impressionnante des réalisations de Yoki fait de lui l’un des plus grands spécialistes de l’art verrier de son époque», relève Philippe Clerc. Il va créer des œuvres dans l’espace profane comme religieux, révélant dans nombre de bâtiments la qualification de la lumière, qui est une définition de l’art du vitrail. Banques, écoles, églises, chapelles, entreprises, villas privées, institutions, piscines, musées, l’art de Yoki illumine salons, vérandas, entrées, halls, entrées, cages d’escalier.
Dans le courant des années septante, Yoki recommence à peindre, renouant ainsi avec une carrière interrompue par le travail du vitrail, qui lui prenait tout son temps. Il va s’installer dans un nouvel atelier à Courtaney, près de Fribourg, dont les environs, notamment le lac de Seedorf, vont l’inspirer et lui permettre de créer nombre de paysages qu’il reprendra à l’infini, au gré des saisons. Célébré, décoré par la France, bénéficiant d’expositions et de rétrospectives, Yoki s’essaie aussi à la non-figuration, «peignant comme s’il assemblait des pièces de verre», relève avec perspicacité Philippe Clerc. Il s’éteint, frappé par la maladie d’Alzheimer qui ne l’empêchait toutefois pas de continuer à peindre, le 12 novembre 2012. «Il laisse derrière lui un corpus d’œuvres impressionnant et le souvenir d’un être de partage, d’un amoureux de la vie et d’un artiste protéiforme qui aura marqué de son empreinte l’art fribourgeois et le monde du vitrail dans sa globalité», résume finement Philippe Clerc. On ne peut qu’approuver ce portrait très juste et se réjouir de la célébration de ce centenaire de la naissance de Yoki, qui se poursuivra cet automne par une importante exposition rétrospective au Musée d’art et d’histoire de Fribourg.

 

Laurent Passer

Yoki – L’art au service de la lumière, Émile
Aebischer, artiste peintre et verrier, par Philippe Clerc (direction). Revue «Pro Fribourg» 2021-IV.