L’agronomiste tunisienne Rakya Abidi et l’universitaire péruvien Paolo Sosa-Villagarcia se sont vu récompenser lors d’une cérémonie rassemblant penseurs et politiques.

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culture & nature - Maison Rousseau Littérature

Quand la philosophie se matérialise au service des enjeux contemporains

2 Oct 2024 | Culture, histoire, philosophie

Mardi 17 septembre s’est tenue la cérémonie de remise des prix du concours «Quel contrat social pour le XXIe siècle?» à la Maison Rousseau Littérature (MRL) de Genève. Deux lauréats ont été récompensés pour leur projet. Leur exploit: avoir démontré très concrètement la dimension actuelle des réflexions du philosophe genevois face aux défis de notre époque.

Plus de deux siècles après sa mort, Jean-Jacques Rousseau inspire encore. A l’heure où les questions de justice sociale, de démocratie et d’environnement se posent avec une acuité sans pareille, la Maison Rousseau Littérature (MRL) a choisi de revisiter ces enjeux à travers le prisme de la pensée du philosophe genevois. C’est dans ce cadre qu’elle a organisé le concours «Quel contrat social pour le XXIe siècle?», en collaboration avec la Fondation du Domaine de Villette. Près de 400 projets provenant de 60 pays ont été soumis à un jury international d’experts entre janvier et juin 2023.
La remise des prix a eu lieu mardi 17 septembre dans l’enceinte genevoise de la MRL. Le chercheur péruvien Paolo Sosa-Villagarcia et la géomaticienne tunisienne Rakya Abidi se sont vu récompenser lors d’une cérémonie rassemblant penseurs et représentants politiques. La somme de 20 000 dollars leur a été remise pour servir leur projet respectif: la mise en place de groupes de dialogues démocratiques pour le Sud-Américain et d’un groupement agricole promouvant l’autonomie financière des femmes tunisiennes en milieu rural pour la Maghrébine.

Martin Rueff, président du jury et professeur, spécialiste de Rousseau, a donné davantage de précision quant au processus de sélection des projets gagnants. «Nous avons adopté deux critères: celui de la conformité à l’esprit du Contrat Social et celui de la faisabilité. A ce titre, ces deux projets se sont imposés au jury comme fidèles à l’œuvre en question et tout à fait réalisables».

Pari réussi

Raviver le rayonnement du philosophe genevois n’avait rien d’une mince affaire. «Jean-Jacques Rousseau a souvent été ignoré par la République de Genève, son œuvre peu étudiée dans les écoles et les collèges», a déclaré à ce sujet Manuel Tornare, l’ancien maire de la cité de Calvin qui a également siégé au Conseil national.
Le coup de projecteur qui a été opéré par la structure genevoise sur l’homme des Lumières a toutefois bel et bien eu son effet. En atteste notamment la venue à la cérémonie de l’ancien président du Conseil des ministres italien et de la Commission européenne Romano Prodi, ainsi qu’une participation d’une ampleur inattendue au concours.

«Des effets concrets
extraordinaires»

A l’organisation du concours, Donatella Bernardi, directrice de la MRL, et Martin Rueff se sont félicités d’un concours «qui permet de tester le réel» selon Donatella Bernardi. Martin Rueff a quant à lui évoqué des «effets concrets extraordinaires».
Le concours sera-t-il reconduit? «Il est peu probable que l’on reprenne cette entreprise à l’identique», s’est amusé Martin Rueff en évoquant la dimension de l’organisation. Tout reste toutefois ouvert pour le futur. Pour l’heure, l’essentiel était de «poser la MRL comme un lieu de débat ouvert sur les enjeux de la Cité». C’est chose faite.

 

Jean Friedrich

GROS PLAN

Zoom sur un projet lauréat

 

«Pourquoi est-il si difficile de solliciter les élites et discuter avec eux d’égal à égal?». La question posée par Paolo Sosa-Villagarcia lors de son allocution résume tout le raisonnement autour de son projet. Le chercheur en science politiques constate une polarisation croissante entres élites, intellectuels et acteurs sociaux au Pérou, aggravée par la crise de la Covid.
C’est ainsi que le lauréat de la catégorie des +25 ans a décidé de créer des espaces de dialogue sous la forme d’ateliers, dans plusieurs villes clefs de son pays. Les intellectuels y sont invités non pas pour donner un cours magistral – comme ils le font trop souvent à son goût – mais pour discuter des enjeux locaux avec les acteurs politiques et sociaux. Sans cette horizontalité dans le dialogue, les universitaires en viennent parfois à prendre le peuple de haut, ce qui en retour offre un boulevard aux dirigeants populistes pour alimenter la défiance du peuple envers les intellectuels, a expliqué le Péruvien, qui explique vouloir sortir de ce cercle vicieux.
Mais faire s’asseoir et discuter autour d’une même table des gens qui ont appris à se dédaigner l’un l’autre n’est pas mince affaire et Paolo Sosa-Villagarcia rencontre encore et toujours une certaine réticence chez beaucoup. Il ne compte toutefois pas s’arrêter en si bon chemin, bien déterminé à rétablir le dialogue au Pérou.