«La Camargue est l’une des régions les plus belles du monde. Le cheval y vit, dans certains cas, en totale liberté…».

/

LIBRE OPINION - Maltraitance animale

Le cheval mérite davantage d’égards!

31 Mai 2023 | Culture, histoire, philosophie

Dans ce second article «coup de gueule»*, Michel Morello, directeur-fondateur du bureau «2A Expertises & Réalisations», nous parle d’un animal qui lui tient particulièrement à cœur: le cheval. Cavalier dans sa jeunesse, il est très proche de ces étonnantes bêtes qu’il côtoie quotidiennement depuis plus de vingt-cinq ans. En outre, par le biais de sa profession d’architecte, il est régulièrement en contact avec des clients, propriétaires de chevaux et/ou d’écuries équines. Michel Morello dénonce ici nombre d’aberrations auxquelles il a été confronté.

Avec l’un de mes confrères architectes, j’ai été amené à défendre les intérêts de propriétaires d’écuries auprès de certains services étatiques. Lors de ce «parcours du combattant», nous avons dû faire face à des fonctionnaires qui n’avaient aucune connaissance de la vie du cheval, ni de ses contraintes. Ils se «cachent» derrière des normes ou des lois allant totalement à l’encontre du bien-être du cheval, règles établies par je ne sais quel fonctionnaire incompétent. Dans un cas précis, alors que notre client devait se mettre «en conformité», d’autres n’y étaient pas soumis, selon une étrange logique. Tiens, tiens… Encore des passe-droits pour certains et pas pour d’autres? Bizarre. J’avais fait paraître, l’année passée, un article «coup de gueule» sur les dérives de services étatiques délivrant des autorisations «contre bons soins»*. Nous retrouvons ici ce même genre de pratique.

Revenons à l’exemple de notre client: il laisse principalement ses chevaux au pré, ces derniers disposant d’abris mobiles. Les parcs sont clôturés, avec des poteaux en bois mobiles et des fils afin de garantir la sécurité des équidés, mais aussi celle du simple citoyen, comme c’est le cas dans l’ensemble des écuries suisses et à travers le monde. Je ne vous raconte pas le chemin de croix que nous avons dû parcourir afin d’obtenir – de la part de ces fameux services étatiques – l’autorisation pour des abris mobiles et des clôtures de parcs. Ceci alors que d’autres écuries, à quelques mètres de là, n’avaient aucun problème: aucune autorisation n’était requise de ces mêmes services. A noter que lors de la dépose de l’autorisation, nous avons fourni des photos, entre autres documents, démontrant que les installations étaient parfaitement dans les règles usuelles appliquées chez les autres et que la vie du cheval n’en pâtissait pas, bien au contraire.

En retour, nous avons reçu un courrier stipulant que sur la photo fournie, il y avait un cheval devant un abri et que celui-ci «empêchait» son compagnon de parc de rentrer dans l’abri! Par ailleurs, ce même fonctionnaire nous a adressé une demande de renseignements complémentaires portant sur la taille des équidés, afin de vérifier si leur hauteur était en cohérence avec celle des abris mobiles: ceux-ci étaient bien entendu en totale adéquation avec l’ensemble du cheptel de mon client. A se poser des questions sur les compétences de l’employé cantonal en question! En plus, celui-ci avait le culot de nous parler d’éthologie… Je crois qu’il ne sait même pas ce que ce terme veut dire.
Enfin, dans certains cas, il est demandé de cadastrer les abris mobiles. Comment peut-on cadastrer des éléments mobiles? Il faudra m’expliquer! Chaque fois que je déplace les abris, dois-je appeler un géomètre pour qu’il fasse un relevé? Quand je parlais de chemin de croix, c’était peu dire… Les directives équestres fédérales définissent tout et rien sur les chevaux; ces mêmes directives ne tiennent en aucun cas du bien-être des chevaux. Mais c’est fédéral, alors on ne peut rien dire. Je ne sais pas qui sont les hurluberlus qui ont pondu ces règles! Plus de 140 pages d’aberrations en continu.

Le monde du cheval

Passons à ma vie privée. Je côtoie régulièrement des propriétaires de chevaux, des propriétaires d’écuries, des cavalières et cavaliers, des parents d’élèves, des marchands en tout genre et surtout ces «champions du monde» du milieu équin… et bien, ce n’est pas beau du tout. La grande majorité de ces personnes n’ont presque aucune connaissance du cheval: elles ne savent pas comment cet animal mange, quelle nourriture lui convient, comment il dort, ce qui impacte sa santé, etc. La seule chose qui les intéresse, c’est de monter leur cheval ou de le faire monter par leurs enfants et vogue la galère, tout en cheminant, les cavaliers/ères consultent leur téléphone portable, car aujourd’hui c’est la mode. «Je fais du cheval tout en surfant sur Tik-Tok», disent-ils/elles… c’est véridique!
Les 99% des chevaux vivent la plupart du temps dans des box, ils sortent 2-3 voire 4 heures par jour, guère davantage. Ils restent dans leur box à se morfondre en attendant que quelqu’un vienne les chercher. Il paraît que c’est moins dangereux que dans un parc. Quand ils ont le bonheur de sortir, on les «emballe» avec des couvertures de pluie, d’été, d’hiver et des protections de tous les côtés. On les rase, car il paraît que c’est mieux pour eux. Comme ils sont rasés, il faut les couvrir… c’est, semble-t-il, aussi mieux pour eux.
Allons dans le détail des inepties rencontrées en parlant des marchands en tout genre, dénommés les maquignons. Ceux-ci achètent des chevaux qu’ils font venir de toute l’Europe, les transportant en camion ou en van. Les chevaux parcourent des centaines de kilomètres dans la journée ou la nuit pour arriver littéralement «vannés» dans les écuries. Ils ne reçoivent que rarement à manger et à boire pendant leur transport. Certaines fois, ils n’ont même pas le temps de passer une nuit dans l’écurie de destination qu’ils repartent déjà vers d’autres horizons, car vendus en chemin. C’est comme les pétroliers (tankers) : ils se vendent vingt fois pendant leur traversée. Pas belle la vie? Si les gens voyaient comment les chevaux sont «rentrés» dans les camions ou les vans…ils en «vomiraient»: coups de pied, coups de cravaches et j’en passe.
Parlons des «champions du monde»: je les appelle ainsi car dans la plupart des écuries, bien qu’il y ait davantage de femmes que d’hommes, ce sont principalement des hommes qui sont «les champions du monde», c’est comme ça… A ce niveau-là, il n’y a pas de parité. Ces fameux «champions du monde» ont un pouvoir sur les parents, ainsi que sur les cavaliers/ères, qui va au-delà du bon entendement. Alors qu’ils ont à peine un diplôme en poche – quand ils en ont un – ils sont capables de faire acheter un cheval boiteux infiltré à un prix exorbitant aux parents qui n’y voient que du feu, en tout cas pendant que les infiltrations font leur effet. Ils proposent ensuite leurs services à ces petites cavaliers/ères et bien sûr, ils sont aussi «vendeurs» de matériel, si l’on peut dire, car ils touchent des rétro-commissions ou ont du matériel gratuit en compensation auprès de «fournisseurs», tels que vétérinaires ou maréchaux-ferrants qu’ils auraient préalablement recommandés à leurs clients. C’est du vécu, j’ai pu le constater à maintes reprises!

Il faut aussi que j’évoque les vétérinaires. Comme les clients n’y comprennent pas grand-chose, ils se font refiler à peu près n’importe quoi. Et vas-y les injections, les bandages, les produits chimiques qui, en fin de compte, coûtent une blinde. Néanmoins, j’ai eu l’occasion de rencontrer des vétérinaires qui n’avaient pas adopté cette «philosophie»; le cheval ne s’en portait pas plus mal, bien au contraire.

Voyons ce qu’il en est des parents. Il en existe plusieurs sortes. Il y a les parents qui veulent que leurs enfants pratiquent un «sport» et soient en compagnie de cette magnifique bête. Ils souhaitent que le contact avec le cheval permette à leurs enfants de s’épanouir. Ils n’ambitionnent pas de les voir devenir des «cracks» ou des champions de sauts et d’obstacles. Il y a toutefois une seconde catégorie de parents; c’est la plus répandue dans le milieu du saut. Ces parents achètent un cheval pour leurs enfants sur un caprice de ceux-ci ou car cela fait «chic» de posséder un cheval et d’avoir des enfants qui font des concours hippiques. Ces parents ont une connaissance équine digne des «champions du monde». Ils savent tout, ils connaissent tout, ils ont un avis sur tout. Ce sont les plus «dangereux». Pourquoi? Car ils oublient de transmettre à leur progéniture les valeurs essentielles, soit le respect de la bête (cheval), le respect des lieux (écurie) et le respect de l’autre (humain)… La seule chose qu’ils apprennent à leurs enfants, c’est de sauter plus haut, plus loin, avec le meilleur matériel, de marque, bien sûr!
Il y a aussi les «professeurs». Bien qu’ils aient un «galop 24», ce sont dans la majorité des cas de vrais incompétents. A peine passé leur diplôme à 22 ans, ils donnent déjà des cours… mal, la plupart du temps. Car comme mentionné plus haut, ils ne savent pas comment vit un cheval, comment celui-ci doit être éduqué ou monté, avec quel matériel et surtout, comment utiliser ce matériel… j’y reviendrai plus loin. Ils «envoient» en concours des jeunes qui n’ont pas le niveau, qui sont très souvent tétanisés en montant. Mais cela n’est pas grave, car ils peuvent facturer leurs cours et leurs déplacements lors de concours…du pur business. On y vient: business, fric, c’est à ce niveau-là que tout se joue, le cheval n’a, dans cette affaire, que peu d’importance.

Le triste quotidien du cheval

Savez-vous ce qu’un cheval subit lors des entraînements ou des concours, entre autres? Ce qu’on leur met «entre les dents»? Je défie quiconque de supporter d’avoir un mors en acier dans la bouche et de se faire tirer dessus comme un malade, vous verrez, c’est très «plaisant»! Il ne faudra pas s’étonner si le cheval décide de faire voler son cavalier/ère.
Revenons à la vie des chevaux en box. Le fait de passer la plus grande partie de leur existence dans des box, avec des sorties extrêmement limitées, constitue de la maltraitance, mais personne, et surtout pas les contrôleurs étatiques, ne s’en offusque…Non, ceux-ci viennent vous empoisonner la vie quand un cheval est au parc et que son abri mobile ne correspond pas aux critères d’un autre «casse-pied» qui a décrété que cet abri était trop petit. Et en plus, ils vous parlent d’éthologie… Qu’ils aillent au diable!
Il y a aussi les étalons, dont l’existence est des plus misérables. En effet, un étalon vit essentiellement seul et ne sort que rarement, quand même il sort. J’ai vu des étalons passant la majorité de leur temps dans des box et dans le noir absolu. Il paraît que ça les calme… je suis atterré de ce constat et de la connerie humaine.
Parlons du matériel. Consultez les différents sites et vous constaterez la quantité de «matos» que les cavaliers/ères ont à disposition. On dirait un catalogue de stars d’Hollywood! Chaque cheval est différent, c’est comme l’être humain, mais le cheval doit supporter les inepties des individus qui le montent. De nombreuses études démontrent que le mors est un objet nocif pour le cheval, qui lui inflige généralement une douleur insupportable. Il est donc essentiel de réfléchir avant d’utiliser cet objet; lors d’un achat, un vrai professionnel doit être présent, quelqu’un qui ne pense pas uniquement à mieux maîtriser le cheval, ni à sa commission.

Détour par la Camargue

Je vais poursuivre avec un thème qui m’est cher, au vu de mes voyages autour du monde. Mais je resterai sur notre continent et dans une région – la Camargue – où le cheval est étroitement lié à la vie de ses habitants, tout en y mettant un bémol. Cette Camargue est l’une des régions les plus belles du monde. Le cheval y vit, dans certains cas, en totale liberté… avec des compagnons (taureaux), c’est absolument magique! Mais évoquons les «promène-nigauds». Vous avez certainement vu de belles affiches publicitaires sur les possibilités de faire du cheval. Eh bien, ce n’est pas joyeux pour les chevaux! Les chevaux sont sellés dès l’aube; comme des imbéciles, ils attendent pendant des plombes jusqu’à ce que les clients arrivent pour la balade à la queue leu-leu. La plupart de ces «loueurs» de chevaux les laissent des heures, harnachés en plein soleil, sans boire, ni bouger – attachés comme des condamnés à mort. S’il vous plaît, la prochaine fois que vous irez dans cette merveilleuse contrée, essayez de trouver un vrai homme/cheval qui vous mettra à disposition un cheval qui n’a pas attendu des heures votre venue. Quand vous lui demanderez l’autorisation de le monter, celui-ci vous guidera avec bonheur vous faire visiter cet endroit de rêve.
Le cheval est une bête exceptionnelle, sensible et attentionnée: elle vous emmènera au bout du monde si vous savez lui «parler». Je pourrais écrire des heures sur cet animal, mais je vais devoir malheureusement terminer mon coup de gueule, l’espace m’étant compté. Je sais, vous allez me dire que dans le monde actuel, le cheval n’est pas la priorité. ll y a des guerres avec leur lot de victimes, des morts dus à la pandémie, aux maladies, le réchauffement climatique, etc. Mais la prochaine fois que vous côtoierez un cheval, regardez-le autrement: vous verrez de si belles choses en lui!
Je vais conclure sur un autre type de cheval. En tant qu’Italien je ne pouvais finir qu’avec une autre de mes passions en relation avec le cheval: le Cheval cabré. Cela ne dira rien aux néophytes, mais pour les amateurs, ce terme a une signification particulière qui leur fera dresser les poils. Depuis l’enfance, mon sang ne fait qu’un tour lorsque je vois et j’entends vrombir un 12 ou un 8 ou un 6 cylindres de cette marque (Ferrari), véhicule non électrifié n’en déplaise aux éco-responsables, car là aussi, il y aurait à redire, mais gardons cela pour mon prochain coup de gueule!

Michel Morello

 

* Voir le Journal de l’Immobilier n°23 du 9 mars 2022, «Le monde de la construction à Genève, un véritable parcours du combattant», de Michel Morello.

GROS PLAN

Ethologie équine versus dressage

 

Pendant des millénaires, le cheval a vécu en totale liberté. La première preuve de la domestication du cheval (Equus caballus) remonte à environ 5500 ans, dans les steppes d’Asie centrale.
L’éthologie équine est la branche de l’éthologie, science du comportement, qui étudie les chevaux. Il faut distinguer l’éthologie équine de l’équitation éthologique, cette dernière n’étant pas une science, mais une méthode de dressage équine et une «philosophie».