Création littéraire
La Création littéraire pour libérer le langage
Depuis plus de quarante sept ans, la Mutuelle d’Etudes Secondaires propose une autre vision de l’enseignement. Reconnue d’utilité publique par la Ville de Genève, l’école, qui prépare au Baccalauréat International (IB), se caractérise par sa pédagogie qui engage l’autonomie de l’élève en le rendant acteur d’un apprentissage réfléchi responsable. L’atelier de Création littéraire est l’un des outils essentiels de cette pédagogie.
Papillons et piments
rouges
Dans la salle de classe aux larges fenêtres, Michel Dubret trace au feutre noir un exemple de haïku sur le tableau blanc. Le bref poème parle de papillons sans ailes et de piments rouges. Les mains se lèvent et les questions s’enchaînent, Rémi s’interroge sur le rythme des mots, tandis qu’Audrey revient sur la finalité du texte. Et puis c’est le silence et la concentration rêveuse: penchés sur leur cahier, les élèves s’essayent au haïku.
Pour Michel Dubret, le haïku, «c’est l’expérience du langage investi par son silence». Il s’agit de l’un des exercices de Création littéraire, un atelier qui a lieu tous les mercredis matin depuis près de vingt ans à l’école de la Mutuelle d’Etudes Secondaires (MES). Professeur de français, écrivain et poète, Michel Dubret a créé cet atelier car «dans nos sociétés, le langage est toujours intentionnel, maîtrisé. Il s’agit de le libérer, afin que chacun accède à sa langue propre».
Pour Rémi, 18 ans, «le principe est d’être orienté vers l’expérimentation et la recherche plutôt que vers l’attente d’un résultat, ce qui est beaucoup plus intéressant et retire la pression qu’on pourrait avoir». Talia, 16 ans, est aussi vive qu’enjouée quand elle souligne: «J’adore la manière dont Michel trouve toujours quelque chose de constructif, drôle et encourageant à dire. Notre travail est valorisé, ce qui est génial pour progresser».
Apprendre à jouer avec les mots
Michel Dubret multiplie les exercices pour faire du langage un champ d’expérience. L’expérience de l’écriture collective par exemple, sous la forme de cadavre exquis, ou encore celle du détournement, en renversant une structure d’écriture traditionnelle telle qu’une recette de cuisine: ainsi, tomates à la vinaigrette deviendra plaisir joufflu à la sauvette. «Cela m’a surprise, cet aspect de collaboration et de jeu, loin du cliché de l’écrivain solitaire», raconte Audrey, longues mèches brunes et voix posée. Diplômée en 2021, elle a quitté les bancs de la MES pour ceux de l’Université, mais elle fréquente encore l’atelier. «L’approche de Michel est vraiment libératrice, parce qu’il nous apprend d’abord à jouer avec les mots, puis l’on commence à se les approprier. La désacralisation des mots et de l’action même d’écrire aide à croire qu’on est soi-même capable de trouver sa voie et son style d’écriture».
De fait, l’atelier est tout à fait conseillé aux étudiants touchés par des troubles «dys», car «ici le langage est un instrument dont l’élève est l’utilisateur libre; il doit se libérer de tout formalisme, se concentrer sur sa créativité pour devenir lui-même lieu de création», remarque le professeur.
Un champ de coquelicots
Retour dans la salle de classe, les rideaux tirés cette fois. Dans la pénombre, une élève aux yeux clos est assise aux côtés de Michel Dubret, légèrement en retrait. La voix de l’enseignant la guide dans le silence. «Décris-moi ton lieu de départ». Alors l’élève commence: «Je suis dans un champ de coquelicots, la lumière est douce, et au bout du sentier de terre noire je vois une petite cabane…». Le rêve éveillé se poursuit en une découverte sinueuse, secrète et poétique. Audrey, Rémi et Talia sont unanimes: c’est leur moment préféré. «A travers une analyse du rêve en question, il est possible d’apprendre des choses sur soi, ce qui au final est une bonne source d’inspiration», déclare Rémi. Pour Audrey, l’exercice a eu «une vraie portée thérapeutique». Michel Dubret explique que le rêve éveillé est «une plongée dans le subconscient, là où sont les joies et les peines, les souvenirs… L’enjeu est de prendre possession de sa légende personnelle, de prendre conscience de sa dramaturgie intime».
C’est la Création littéraire qui avait décidé Audrey à venir à la MES. D’un geste, elle affirme: «Cet atelier est là pour vous aider à vous découvrir. Ne perdez pas cette opportunité d’apprendre à vous exprimer comme cela vous convient le mieux, dans un espace sans jugement». Avec un sourire, Rémi termine: «C’est quelque chose que l’on fait pour soi avant tout».
François Berset
Mutuelle d’Études Secondaires
Boulevard Carl Vogt 7 bis
CH-1205 Genève
Tél. +41 22 741 00 01
www.ecolemes.ch