La façade et ses deux pavillons, côté parc.

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architecture - Restauration/Extension

Un projet portugais revivifie la Bibliothèque de Genève

13 Déc 2023 | Articles de Une

Noyée dans l’ensemble universitaire des Bastions, la Bibliothèque de Genève (BGE) va jouir d’une restauration de son patrimoine architectural qui annonce un futur plus que jamais ouvert au grand public. Pierre angulaire du projet choisi sur concours: le nouvel espace de stockage et de conservation des collections précieuses, qui classent l’institution parmi les principales bibliothèques patrimoniales et encyclopédiques de Suisse.

La Ville de Genève a désigné ses bâtisseurs pour restaurer et agrandir sa bibliothèque asphyxiée par le poids de ses collections. Lauréat du concours pluridisciplinaire international, c’est le projet du groupement d’architectes portugais Vassco Ace, avec les ingénieurs civils Adao da Fonseca – Engenheros Consul, qui a été retenu à l’unanimité du jury. Le travail de développement du projet qui commence actuellement devrait durer deux ans.
Il était temps d’intervenir. Fondée au XVIe siècle par Jean Calvin, installée en 1873 dans l’aile Sud de l’Université des Bastions, la vénérable institution logiquement assimilée aux espaces universitaires se devait de trouver une visibilité. Ce n’est de loin pas le seul défi que les architectes ont dû relever, sachant que la bibliothèque a été régulièrement transformée au fil des ans pour pallier le manque d’espace. De nombreuses modifications intérieures – ajouts de niveaux intermédiaires, créations d’annexes -, ont camouflé en grand partie la spatialité d’origine de ce bâtiment de style néo-classique.
L’objectif: rendre au public les espaces nobles et fluidifier les circulations, tout en garantissant un entreposage sécurisé, apte à conserver les quelque 1,5 million de documents. Une imposante mémoire culturelle et historique qui, selon l’estimation de garantie des assurances, vaut à ce jour 1,2 milliard de francs. Le trésor comprend notamment une Bible datant de la Renaissance, des dessins de Léonard de Vinci ou encore une version manuscrite des Confessions de Rousseau inscrites au registre «Mémoire» de l’Unesco. L’institution, qui gère le dépôt légal, conserve également toutes les publications éditées dans le canton de Genève. «Elle préserve ainsi notre histoire collective à travers son patrimoine imprimé», a relevé Sami Kanaan, conseiller administratif chargé du Département de la culture, lors de la présentation du projet.

Ouverture sur la cité

Le programme, qui propose une nouvelle perméabilité du bâtiment avec le parc des Bastions et la rue de Candolle, se distingue par une nouvelle façade vers l’arrière qui deviendra en quelque sorte une nouvelle façade avant. Le jury a particulièrement été séduit par le choix des lauréats de remplacer les deux annexes des années 1950 et 1980 par deux pavillons légers et transparents en retrait de la façade. Ces nouvelles constructions mettent en valeur le retournement du bâtiment en direction du parc. Elles abriteront l’administration de la bibliothèque, une salle de lecture et un café. «L’institution a l’ambition, outre la conservation des collections, de permettre à la population de s’attarder sur les lieux tout en ayant une vue sur le parc», a souligné Dominique Perler, conseillère administrative en charge du Département de l’aménagement.
Avec la suppression des dalles intermédiaires, le bâtiment retrouve son identité première et fait la part belle, sur deux étages, aux espaces dévolus au public. Libérée de ses mezzanines, la salle de lecture sera transformée en salle polyvalente, tandis que le rez-de-chaussée et les deux sous-sols seront destinés à la conservation et à la recherche. Pensé comme un lieu d’étude, de rencontre et d’échange, le bâtiment, à travers son concept architectural, traduit clairement la volonté d’ouverture sur la cité, tout en respectant les éléments patrimoniaux de l’existant.

Première étape:
le dépôt sous la cour

Les travaux commenceront par la construction d’un nouveau dépôt de cinq étages sous la cour des Bastions, alors qu’un sixième étage accueillera un abri de protection civile. Adaptée et dimensionnée pour anticiper les futurs besoins de la bibliothèque, cette zone de stockage et de conservation permettra de rapatrier les écrits dispersés dans plusieurs sites à travers la ville. La solution prévoit aussi la réalisation d’espaces dans la cour côté rue de Candolle, ce qui permet d’alléger quelque peu l’édification du dépôt et de limiter l’intervention proche du majestueux platane, à préserver obligatoirement.
Le projet représente une importante opportunité de réaliser la transition énergétique, sachant que les installations actuelles, électriques, climatiques et techniques, obsolètes et énergivores, ne sont plus adaptées à la sécurité des personnes, ni à la conservation des collections.
Les travaux devraient démarrer en 2027. Leur coût est estimé entre 120 et 130 millions de francs. Une Fondation privée genevoise est prête à engager 25 millions; le solde sera partagé entre la Ville et l’Etat de Genève.

 

Viviane Scaramiglia