Religion - Miracles
Qu’on y croie ou non, ils se produisent!
«L’étonnant, avec les miracles, c’est qu’ils se produisent», disait le grand Gilbert Keith Chesterton. A notre époque, même si l’élection de Léon XIV a suscité un grand intérêt médiatique, le grand public ne parle plus guère de miracles. Les Rendez-vous cinéma «Il est une foi», produits par l’Église catholique romaine à Genève, y ont consacré une session en 2023. Entretien avec l’abbé Martial Python, biographe et qui a œuvré pour la cause de béatification et de canonisation de sainte Marguerite Bays, la dernière Suissesse canonisée par le Pape François en octobre 2019.
– Quelle est votre définition du miracle?
– J’aime bien partir de Luther. La doctrine catholique demande des miracles pour les béatifications et les canonisations. Luther reprochait à l’Eglise de s’octroyer le pouvoir de canoniser une personne. Pour le Réformateur, le Peuple de Dieu est saint et reconnaître une seule personne sainte, ce n’ést pas possible, car cela appartient à Dieu seul. Ce que Luther n’a pas retenu, c’est que l’Eglise ne s’octroie pas un pouvoir, mais qu’elle attend un signe. Il y a une analyse de l’héroïcité des vertus de la personne sujet de la procédure de béatification ou de canonisation, mais il est nécessaire d’avoir un signe. Le miracle n’est pas un acte magique. Il implique une démarche de foi et c’est pourquoi lorsque l’Eglise fait appel à la science pour un «miracle», bien que je préfère le terme de signe, elle ne va pas expliquer, elle met un point d’interrogation qui montre qu’il y a quelque chose d’une intervention extérieure, mais sans en dire plus. Cela nous demande un saut dans la foi pour accueillir ce signe. C’est dans ce sens-là que l’Eglise attend de la part du divin un signe reconnaissant la sainteté de telle ou tel. Je pense aussi que toute la vie de la personne concernée est un signe, pas seulement le miracle qui a été constaté. C’est d’abord la vie du saint ou de la sainte qui est signe de sainteté. La proximité du saint ou de la sainte avec nous est aussi un signe. Le miracle confirme que Dieu intervient et que la relation essentielle du saint avec le Seigneur était réelle.
– Est-ce toujours nécessaire qu’il y ait ce signe attestant la sainteté d’une personne?
– Je trouve bien ce signe. Cela montre qu’il y a une théologie de la vie de la personne. Le signe nous permet de nous rappeler qu’être chrétien, ce n’est pas seulement faire du bien, ce qui est important, mais qu’il y a dans une vie de saint un élément de plus, l’accueil du don de Dieu. Ces chrétiens ont accueilli la parole de Dieu et y ont été fidèles. Ces signes sont une manifestation de l’action de Dieu dans la vie du chrétien. La vocation première du chrétien, c’est le ciel. Et c’est la sainteté, c’est-à-dire Dieu. Elle consiste à l’ouverture à l’accueil de Présence de Sainteté de Dieu en nous et d’en vivre. On devient porteur de l’Eternité dans le temps, si l’on peut dire. Car il y a beaucoup de monde qui fait du bien. Mais il peut manquer cette dimension de foi: chez le chrétien, il y a ce «plus», vivre notre vie en «un être avec» Celui qui nous aime. Et Dieu en tant que «Vivant» nous fait signe. Le miracle est un signe de Dieu fait aux hommes et aux femmes, qui nous rejoint dans l’épaisseur de notre humanité. Si Jésus est vivant, il nous fait toujours signe et il peut le faire à travers les saints.
– Dans le cadre de la procédure concernant Marguerite Bays, y-a-t-il eu d’autres miracles que celui retenu pour sa canonisation, soit la sauvegarde de la vie de Virginie Baudois, tombée à l’âge de 22 mois sous les roues du tracteur sur lequel elle était installée?
– Il y en a eu d’autres. Peu après la mort de Marguerite Bays en 1879, on eut des signes à la suite de l’intercession de la future sainte. On en a encore maintenant, après sa canonisation intervenue en 2019. Le dernier date de peu de temps. C’est une personne fragilisée dans sa vie et à l’hôpital elle a eu véritablement une rencontre d’ordre mystique sous une forme de guérison, alors qu’il voulait mettre fin à ses jours. Il est venu me parler de cela et peut-être qu’un jour, il viendra déposer par écrit ce signe. Régulièrement, j’entends des témoignages de personnes qui ont prié Marguerite Bays et ont été exaucées. Plusieurs personnes m’ont parlé de guérison de cancers suite à des prières adressées à Dieu par l’intercession de Marguerite, qui elle-même est décédée d’une forme de cancer selon les diagnostics de l’époque. Il y a aussi des sauvetages: on m’a parlé d’un enfant qui est tombé dans un étang, réanimé sans aucune séquelle. On ne peut pas dire que Virginie Baudois soit la dernière miraculée, de loin pas! Le dernier signe dont on m’ait parlé remonte à un peu plus d’une année. Marguerite Bays a travaillé dans son ministère d’intercession, notamment durant la pandémie. Cela reste des signes. La manière dont la personne parle de ce signe, donne le témoignage, est importante: cela sonne juste. Je n’ai pas eu, par exemple, l’ombre d’un doute avec le témoignage du grand-papa de Virginie Baudois, à la façon dont il en a parlé. Marguerite Bays, à la prière des fidèles et des pèlerins qui viennent à Siviriez/FR, continue son ministère d’intercession. Toute sa vie est signe, sa manière d’être dans la société de son temps.
Propos recueillis
par Laurent Passer
Margueritte Bays.
L’Abbé Martial Python est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont:
«Pèlerinage chez Marguerite Bays, Editions Parole et Silence; «Vivre le chemin de Croix avec Marguerite Bays», Editions Parole et Silence; «La vie mystique de Marguerite Bays», Editions Parole et Silence; «Marguerite Bays et Mère Lutgarde Menétrey, marraine et filleule», Editions Cabédita.