Frank Reynaud.

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climat - En montagne

Quand les stations jouent la carte de la haute gastronomie

22 Nov 2023 | Articles de Une

A l’heure où les changements climatiques remettent en question l’attraction du ski alpin, les milieux touristiques vantent leurs grands chefs.

En Valais, le ski est roi, même si les milieux touristiques s’efforcent d’anticiper les problèmes dus au réchauffement climatique. Parmi les armes à leur disposition, il en est une qui tire son épingle du jeu: la haute gastronomie. Ainsi, Crans-Montana vient-elle de nommer parmi ses ambassadeurs le grand chef Franck Reynaud (restaurant de l’Hôtel de l’Ours, une étoile Michelin, 18/20 GaultMillau). «Pour nous, explique le président de commune Nicolas Féraud, la qualité générale de nos restaurants est un véritable atout touristique et nous n’hésitons pas à communiquer à ce sujet», Une option que l’on retrouve à Verbier, à Zermatt, et également en Suisse alémanique.
Rédacteur en chef du GaultMillau Suisse Romande, Knut Schwander analyse ce nouveau trend: «Historiquement, cette tendance de la haute gastronomie à la montagne s’explique. Les stations cotées réunissent des vacanciers et des retraités qui ont une certaine surface financière, et surtout du temps pour profiter de la vie. Partant, il était logique que s’y développent les belles adresses, comme à Crans-Montana, Verbier ou Zermatt. Ou encore Saint-Moritz, qui n’a pas hésité à organiser un vrai festival de la gastronomie». Une démarche qu’on retrouve au pied du Cervin, où le génial cuisinier du Zermatterhof, Heinz Rufibach, met régulièrement sur pied des rencontres culinaires internationales avec d’autres stars des fourneaux.
«Tout le monde est gagnant, enchaîne Knut Schwander. En effet, ce mouvement ne concerne pas uniquement des adresses à 150 francs par personne. Derrière les chefs répertoriés dans les guides, le GaultMillau met par exemple en exergue, dans chacune de ces stations, d’autres restaurants, très abordables, des cuisines d’ici ou d’ailleurs qui permettent à tout un chacun de profiter d’une bonne à table et en famille».
Alors qu’approchent les fêtes de fin d’année, et que débute la saison de ski, petit tour d’horizon des restaurants du bien-manger dans les stations valaisannes. Et zoom sur nos chefs préférés.

CRANS-MONTANA:
des étoilés magnifiques

Frank Reynaud.
Yannick Crepaux.

Il y d’abord Franck Reynaud (L’Ours, une étoile Michelin, 18/20 GaultMillau), nouvel ambassadeur de la station. Il est au sommet de son art. Pas question pour lui d’imaginer et de rabâcher des plats signatures comme dans les circuits traditionnels de la haute gastronomie. Il est trop humble pour ça. Il aime tourner les pages, recommencer, raconter des histoires à travers ses assiettes, réinventer encore et encore.
Puis Yannick Crepaux (Le Crans & Spa, une étoile, 17/20). Quelle cuisine propose-t-il aux aficionados du bien-manger? «Une base de cuisine française, explique Yannick. Avec des influences japonaises marquées. Sans oublier une mise en valeur des terroirs et des produits valaisans». A noter que les végétariens et les véganes sont les bienvenus. «Nous avons des légumes superbes, des plantes locales extraordinaires, et cette rencontre m’inspire beaucoup».
Ajoutons à ces étoilés les vrais moments de bonheur passés au Partage, au Bistrot des Ours, au japonais du Guarda Golf ou à l’Œnothèque gourmande Ravet, ou Nathalie (meilleur sommelier de Suisse) et Bernard Ravet (meilleur cuisinier de Suisse) accueillent aussi bien leur fidèle clientèle des années Vufflens-le-Château que les touristes curieux et les locaux fort avisés.

VERBIER:
des chefs internationaux

Sebastiano Lombardi.

L’antre de Sebastiano Lombardi (Chalet d’Adrien, une étoile, 15/20), qui est passé chez Nino di Costanzo, le multiétoilé d’Ischia. Il a aussi beaucoup appris aux côtés d’Antonio Guida, l’un des chefs les plus acclamés d’Italie. Comme lui, il a choisi de marier le meilleur de la Péninsule avec les grands courants de la cuisine internationale, et plus récemment, depuis son arrivée à Verbier, avec le terroir du Valais. «Dans le Val de Bagnes, raconte le chef, j’ai découvert par exemple des agneaux magnifiques, des fromages fabuleux, et en plaine, des légumes de première qualité. Ce terroir et les plats traditionnels de la région, j’ai tout de suite su qu’on pouvait en avoir une approche gastronomique».
On citera encore La Grange, La Cordée des Alpes, ainsi que le W Verbier, qui a déjà invité de nombreux chefs français dans un esprit des plus festifs.

ZERMATT: Rufibach en leader

Heinz Rufibach.

Rendez-vous au Zermatterhof, chez Heinz Rufibach (une étoile, 16/20): «Je prône une cuisine fraîcheur, légère, créative et très ancrée dans les saisons, nous dit-il. Je m’efforce de faire une synthèse entre les produits et les goûts d’un côté typiques des Alpes, et de l’autre, de tout le pourtour de la Méditerranée. On trouve des produits géniaux dans ce bassin, que ce soit en Grèce, en Turquie ou au Maroc». Une approche qu’il résume d’une formule ambitieuse: «Cuisiner régional et penser mondial!».
Et une brochette succulente d’adresses à découvrir: le Mont-Cervin Palace, The Omnia, la Brasserie Uno, le Backstage Hotel, et bien sûr, sur les pistes, le mythique Chez Vrony.

Nendaz et Saint-Luc:
chaleur et créativité

Céline Guihéneuf .
Loris Lathion.

A Nendaz Station, avec ses touches classiques et ses influences bistrotières, les cartes de Loris Lathion (Mont-Rouge, 15/20) rappellent un peu celles d’Auguste Escoffier, même s’il cite volontiers deux autres géants: «Alain Chapel qui, s’il n’était pas décédé si jeune, serait devenu une légende unique; et Fernand Point, pour ses citations truculentes, ses 130 kg, son côté papa et ses déjeuners au champagne!».
A Saint-Luc, Céline Guihéneuf (au superbe et historique Bella-Tola, 13/20) vous réservera bien des surprises: «Je fais une cuisine lisible. Je n’aime pas que le client se sente baladé par trop de saveurs ou d’impressions diverses, voire contradictoires. Quand je marie les moules et les champignons, je joue à fond de ces deux produits; je ne vais pas ajouter une pincée de ceci et une autre de cela». A son credo figure encore le respect des saisons et la prime aux produits locaux. Mais plus encore que ces qualités bien réelles, c’est la créativité qui caractérise la cheffe de Chez Ida.

 

Jean-François Fournier