Ne tirez pas sur la piscine: elle génère des emplois, elle respecte l’environnement et elle apporte à la collectivité de l’argent, sous forme d’impôts supplémentaires.

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INFRASTRUCTURES - Mori Piscines SA

Pour une gestion intelligente de l’eau

27 Sep 2023 | Articles de Une

Alors que la demande en piscines individuelles est en constante augmentation, notamment depuis la pandémie, certains crient au scandale écologique, allant même jusqu’à exiger une taxe pour les propriétaires de bassins ou un gel des constructions. La gestion de l’eau est une réelle problématique – notamment avec l’intensification des épisodes de sécheresse – mais il ne faut pas se tromper de cible en s’attaquant à un secteur qui représente un volume inférieur à 0,4% de la consommation annuelle d’eau dans le canton de Genève. Pour tenter d’y voir plus clair et en savoir davantage sur les progrès technologiques réalisés par la profession, interview de Norbert Mori, administrateur de Mori Piscines SA.

– Combien y-a-t-il de piscines privées en Suisse?
– Il n’existe aucun registre fédéral des piscines privées; on peut toutefois avancer le chiffre de 56 000 piscines. On en compterait 4500 (chiffre de 2015) à Genève (dont 5% ne sont pas autorisées), selon les images satellites et algorithmes réalisés par les équipes de la TSR en juillet dernier, qui montrent sans surprise que les communes genevoises, en particulier de la rive gauche, sont fortement dotées en la matière. Il est important de distinguer les piscines enterrées, soumises à autorisation de construire, donc sous contrôle des services de l’Etat (OAC, OCEau, OCEn, etc.), qui sont cadastrées et généralement pilotées par des professionnels, d’une part, et les piscines achetées en grande surface et sur Internet, qui sont hors sol, éphémères et démontables, d’autre part. Ces dernières passent totalement «sous le radar» et représentent facilement le double, voir le triple des bassins construits. Elles posent problème lors de leur élimination (durée de vie très limitée) – qui est faite dans la plupart des cas de façon anarchique -, mais aussi en termes d’emploi excessif et de mauvaise manutention des produits de traitement, et enfin, de gestion déplorable de l’eau et de vidanges sauvages qui peuvent avoir de graves conséquences pour les cours d’eau.

– Est-il aisé, pour un propriétaire genevois, d’obtenir un permis de construire pour la réalisation d’une piscine?
– Cela devient de plus en plus compliqué, en particulier en raison des directives relatives à la densification de la zone 5 dite zone villas (voir le guide de l’Etat publié en 2022 «Marche à suivre – Densification de la zone villas»). En effet, une surface de pleine terre de minimum 40% doit être préservée, voire davantage dans le cas de plans de développement communaux entrés en vigueur. Pour les piscines de moins de 50 m2 (murs compris), une demande d’autorisation de construire par procédure accélérée (APA) est suffisante. Au-delà de cette surface construite, une demande définitive (DD) est exigée, alors que dans le cadre d’une demande de permis de construire d’une villa, sans dérogation, une APA, procédure plus simple et surtout plus rapide, peut s’avérer suffisante. Toutes ces contraintes découragent les propriétaires qui finissent par se tourner vers des bassins hors sol non répertoriés et qui ne sont soumis à aucune règle.

– Que représente la consommation d’eau pour les piscines?
– Pour faire simple, à Genève, si toutes les piscines autorisées étaient vidangées dans les eaux usées (conformément aux directives de l’OCEau), cela représenterait 0,3% du volume d’eau traité; leur remplissage équivaut à moins de 0,4% de la consommation annuelle d’eau potable, bien moins que les pertes sur les réseaux de distribution. Dans les faits, il faut plutôt prendre en compte la consommation liée à l’utilisation saisonnière de la piscine, c’est-à-dire l’évaporation naturelle, le renouvellement d’eau dû au passage des baigneurs et à la consommation liée au contre-lavage des filtres: cela est estimé à une moyenne d’environ 15 m3 par piscine et par année, ce qui est inférieur aux 18 m3 par année d’eau potable, donc traitée et acheminée, perdue dans les WC pour un couple avec deux enfants. Depuis 25 ans, l’utilisation de l’eau pour les piscines a été réduite de 45%, diminution drastique grâce notamment au changement des pratiques (hivernage actif, nouveaux traitements plus respectueux de l’environnement permettant la conservation de l’eau, etc.), à la réduction des volumes construits (les dimensions et les profondeurs sont en baisse) et à l’innovation. En ce qui concerne l’évaporation, cette eau n’est pas perdue, elle retourne dans l’atmosphère pour la formation des nuages et redescend sur terre sous forme de pluie: c’est le cycle de l’eau.

– Qu’en est-il de l’entretien des bassins?
– Les techniques de filtration, qui contribuent à 80% au traitement de l’eau, sont de plus en plus efficientes (filtres plus performants nécessitant des intervalles de contre-lavage plus espacés, pompes à gestion et vitesse variable). De plus, des traitements de l’eau suivis en temps réel à distance, plus écologiques, sont apparus sur le marché, générant leur propre désinfectant dans le volume du bassin, sur site, de façon la plus légère possible, évitant de fait les déplacements inutiles et le stockage de produits. En outre, l’utilisation de couvertures thermiques – pouvant être assimilées à des panneaux solaires sur toute la surface du bassin -, participent au chauffage de l’eau; pour une piscine de 4m x 8m, cela représente 32 m2 de panneaux solaires. Les divers systèmes doivent répondre aux normes européennes relatives aux piscines familiales, exigeant que l’eau soit filtrée, traitée, désinfectée et «désinfectante».

– Selon des préoccupations écologiques, certains députés montent au créneau: ils veulent taxer le remplissage des piscines pour financer des mesures contre la sécheresse, voire interdire la construction de nouveaux bassins. Quelle est votre réaction?
– Les piscines sont des éléments visibles qui focalisent l’attention et peuvent attiser des jalousies. Il serait toutefois plus judicieux de réduire la consommation d’eau des ménages, qui équivaut à 70% de l’eau traitée globale, en adoptant les bons gestes: privilégier les douches plutôt que les bains, arrêter le robinet lors du brossage des dents ou du savonnage sous la douche, etc. Un robinet qui goutte équivaut à une perte de 35 m3 par année! Il faut encore savoir qu’à Genève, seuls 15% de la consommation d’eau potable sert à notre consommation, les autres 85% sont «jetés» comme eau sale. Alors pourquoi ne récupère-t-on pas systématiquement l’eau de pluie pour les WC et l’arrosage des jardins? Tout cela pour dire qu’une piscine bien équipée est sobre en eau. Sans oublier que les propriétaires de piscine contribuent à la collectivité, car ils sont soumis à des impôts supplémentaires. Enfin, en termes économiques, le secteur génère, à Genève, plusieurs centaines d’emplois directs et indirects (piscinistes, maçons, carreleurs, etc.). L’Association professionnelle des piscinistes genevois (A2PG), garante du professionnalisme du métier de pisciniste et qui soutient la formation et le perfectionnement, a élaboré un code d’éthique définissant des règles pour les entreprises membres par l’édiction d’habilitations les engageant à des pratiques respectueuses de l’environnement, en particulier en matière de vidange des piscines, ainsi que de transport et de stockage des produits de traitement.

 

Propos recueillis
par Véronique Stein

Norbert Mori.

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