Dans un écrin signé Michel Desvigne

L’ensemble du Plateau de Frontenex 7, à Genève, est familier à nos lecteurs. En effet, sous la plume de notre rédactrice en chef adjointe Véronique Stein, trois articles(*) ont retracé dans ces colonnes la genèse du projet, son originalité, son caractère profondément durable et son insertion dans un paysage forestier harmonieux, en pleine ville. Près de 160 familles y sont aujourd’hui installées et l’inauguration, aux sons de mélodieux chants camerounais, s’est faite mercredi dernier, en présence notamment de l’architecte paysagiste Michel Desvigne.

Comme l’a rappelé le maître d’ouvrage, Thierry Barbier-Mueller, l’origine de «Plateau de Frontenex 7» est d’abord dans l’élaboration d’un nouveau Plan localisé de quartier, proposé aux autorités par le bureau d’architectes Anderegg & Rinaldi, mandaté par le patron de la SPG. On était alors en 2008; le plan d’urbanisme préexistant était médiocre et il fallut d’abord convaincre Ville et Etat de valoriser intelligemment ce périmètre. Fidèle à sa conviction que la qualité architecturale et celle des espaces extérieurs vont de pair, il n’était pas question pour le promoteur de bâtir des barres fonctionnelles entourées de pots de fleurs. Géré par les Départements «Développements immobiliers» et «Environnement & Energie» de la SPG, le dossier complexe de ce projet a été mené à bien et le résultat correspond très exactement aux images de synthèse produites avant le premier coup de pioche… et de bêche, car l’aménagement extérieur a fait l’objet d’un concours international remporté par Michel Desvigne.

Immeubles dans une forêt

Titulaire du Grand Prix de l’urbanisme français (2011), cet architecte paysagiste est l’un des plus réputés au monde. Il préside depuis 2008 le Conseil d’administration de l’École nationale supérieure du paysage (ENSP), située à Versailles, et a collaboré avec les plus grands architectes, tels Renzo Piano, Foster, Kuma, Koolhaas ou Pei. «Il ne s’agissait pas ici de créer un jardin entre des immeubles, mais bien un paysage, où de beaux immeubles sont insérés dans un espace public forestier, offrant trois promenades aux habitants, aux visiteurs et au public», a-t-il expliqué, soulignant un élément qui lui est cher, celui de «lisière de la forêt, d’ouverture de la ville sur la nature».
«Plateau de Frontenex 7» comprend en outre trois œuvres d’art contemporain, parfaitement intégrées à la subtile création de Desvigne. «Sur le chemin de l’espoir», de Bathélémy Toguo, est une installation en bronze réalisée spécialement par l’artiste camerounais pour indiquer la communion du corps humain avec la nature. «Mirador Fronto», de l’Argentin Pablo Reinoso, et «Vertigo III», du Belge Pol Quadens, évoquent à la fois plantes et chaises – aucun hasard à cela lorsqu’on sait que la collection de chaises originales de Thierry Barbier-Mueller est probablement la plus complète de la planète (voir Le Journal de l’Immobilier No 43, du 31 août 2022).

Prix doux

Michel Desvigne a tenu à saluer «le souci de qualité architecturale et le goût du travail bien fait qu’on ne trouve qu’en Suisse», constatant que chaque détail était ici cohérent et que ce «morceau de ville», non cloisonné, montrait qu’en ce pays on aimait la beauté, notamment du paysage. On relève à ce propos que ce chantier est l’un des rares où toutes les moins-values ont été réinvesties; chaque dépense inférieure au budget est ainsi allée à une amélioration de l’ensemble. Ironie du sort, les recours des voisins portent en ce moment sur la seconde partie de l’aménagement paysager, concernant une parcelle appartenant à la Ville et où les opposants refusent qu’on… plante des arbres! Une soixantaine, sur deux cents, sont ainsi en attente.
Un élément plus prosaïque, mais tout aussi émouvant pour les locataires concernés, est que les appartements ont été loués à des tarifs étonnants: 880 à 950 francs par mois pour un trois-pièces et 1320 à 1460 francs pour un quatre-pièces, par exemple. Les immeubles, élégants dans leur déroulé sinueux, avec leur mariage de deux teintes, leurs coursives, leurs balcons, sont en outre aussi spacieux et confortables qu’économes en énergie (normes THPE).

Vincent Naville

(*) «Plateau de Frontenex 7: la durabilité avant tout!», Journal de l’Immobilier No 9, du 17 novembre 2021. «Des immeubles locatifs au cœur d’une forêt», Journal de l’Immobilier No 13, du 15 décembre 2021. «Pour une aide à la décision efficace» (pilotage de projets), Journal de l’Immobilier No 18, du 2 février 2022.