Il a neigé sur Verbier…

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LA fête des maires - Christophe Maret, Président de la commune de Val de Bagnes

«Nous voulons ancrer la durabilité dans notre tourisme»

22 Nov 2023 | Articles de Une

En montagne, le développement durable relève d’un équilibre particulièrement difficile à atteindre entre environnement, économie et social. Engagé depuis de nombreuses années dans cette voie, Verbier Tourisme a récemment rejoint le programme de durabilité conçu par la Fédération suisse du tourisme, Swisstainable. Une manière d’accréditer les actions réalisées par la station, comme l’explique Christophe Maret, président de la commune de Val de Bagnes et président du Conseil d’administration de Verbier Tourisme.

– Vous venez de terminer votre «Master plan tourisme». Quel en est le principal objectif?
– Jusqu’à présent, nous avons réalisé beaucoup de choses, mais nous avons constaté qu’il nous fallait une ligne bien définie pour continuer d’avancer à moyen et long terme. Ce Master plan va nous permettre de clarifier les orientations stratégiques et d’assurer la cohérence entre les différentes actions publiques et privées. Dans ce contexte, le développement durable est appelé à prendre encore plus d’importance, car nous voulons protéger les ressources de notre commune, tout en préservant notre économie basée sur le tourisme et les emplois qui en découlent. C’est pourquoi nous avons associé à notre démarche les acteurs du tourisme au sens large, ainsi que les jeunes, afin de définir quel tourisme nous voulions pour demain.
C’est dans cette démarche que nous avons déjà engagé cette année une personne au sein de l’administration communale dont le travail consiste à analyser chaque nouveau projet.

– Comment le réchauffement climatique touche-t-il la station?
– Il nous a permis d’élargir l’activité touristique de la station à dix mois par année. Auparavant, la saison s’étendait de décembre à avril et de juillet à août. Désormais nous avons aussi une vraie activité à l’automne et au printemps. Le vélo sous toutes ses formes attire beaucoup de monde. Les jeunes sont surtout adeptes du bike et, à partir de la trentaine jusqu’aux seniors, l’intérêt se porte surtout sur le e-bike.
Pour accompagner ce tourisme non-hivernal, nous avons mis en place des rangers afin de faire de la prévention et de la pédagogie auprès des touristes. Nous sommes dans une région où l’agriculture est bien vivante et il faut arriver à établir une cohabitation harmonieuse avec le tourisme.

– La mobilité reste l’une des principales sources de gaz à effet de serre et de bouchons dans les stations. Quelles mesures la commune a-t-elle mises en place?
– La mobilité est effectivement l’un des enjeux importants. Nous avons la chance d’être accessibles en transports publics depuis Genève, Lausanne et Fribourg grâce au train et à la télécabine Châble-Verbier qui circule désormais de 5 heures du matin à minuit. Le train, associé à des offres tarifaires intéressantes des CFF et aux horaires de fonctionnement étendus de la cabine, incite vraiment les gens à laisser leur voiture. Nous le voyons bien le dimanche, où les bouchons entre 17 et 18 h ont diminué. Parallèlement, Verbier a beaucoup investi dans les bus. Nous avons notamment des bus-navettes qui circulent gratuitement de 8 h à 20 h pendant toute la saison d’hiver. Nous constatons qu’en offrant un bon service, les gens se laissent convaincre.

– Qu’en est-il des bornes pour voitures électriques?
– Nous en avons déjà installé à la gare et sur certaines places publiques. Les résidents sont de plus en plus demandeurs, mais il faut auparavant étudier les réels besoins avant de mettre en place une installation qui est chère et qui va peser sur le réseau de distribution électrique, même si celui-ci est conçu pour gérer les pics énergétiques.
Verbier s’est construit avec des infrastructures adaptées à faire face aux fluctuations énergétiques générées par l’importante augmentation de la population durant la saison hivernale.

– Et l’eau?
– Le problème peut se poser en été avec la sécheresse. Pour mieux préserver cette ressource naturelle, la commune collabore avec le pôle d’innovation «BlueArk Entremont» qui travaille sur plusieurs projets, notamment la valorisation de la neige issue de la station à Verbier.
Un autre projet, baptisé Odile, porte sur l’irrigation des champs afin de donner des indications précises aux agriculteurs sur l’état de leurs parcelles grâce à l’installation de nombreux capteurs d’humidité dans le sol. L’objectif est de diminuer les volumes utilisés, mais aussi de permettre une meilleure répartition.

– Verbier a recours à l’enneigement artificiel…
– Nous utilisons l’eau du lac des Vaux en début de saison, lorsque l’enneigement est un peu limité, et nous n’avons généralement pas besoin de répéter l’opération pendant la saison. Par ailleurs, les nouvelles installations sont plus performantes et nécessitent beaucoup moins d’énergie que par le passé.
– L’utilisation de l’hélicoptère pour rejoindre les stations, ou l’héliski, sont des questions sensibles. Qu’en est-il pour Verbier?
– Nous n’avons pas de ballets d’hélicoptères pour des transferts, car notre clientèle est plutôt discrète. Quant à l’héliski, il permet de faire vivre des guides de montagne et d’offrir des expériences uniques aux touristes. Par ailleurs, la commune n’a pas de vrai pouvoir sur cette question, qui dépend de l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC). La loi autorise les déposes de personnes à des fins touristiques à une altitude supérieure à 1100 mètres sur un terrain, avec l’accord de son propriétaire. Nous essayons cependant de réguler les heures pour éviter les créneaux horaires trop matinaux, ce que les compagnies respectent bien.

– La «smart station», la station connectée, est-elle une option pour Verbier?
– Verbier Tourisme travaille à l’élaboration d’un observatoire du tourisme permettant de récolter des données en temps réel et ainsi de cerner la situation. A l’avenir, cela doit aussi permettre d’anticiper certains effets en connaissant les causes. On parle de mobilité, mais aussi d’utilisation des infrastructures, notamment du réseau. L’application s’appelle «360 SmartMobility», de la société Antidots.

– Verbier Tourisme est entré dans le programme de durabilité conçu par la Fédération suisse du tourisme, Swisstainable. Qu’en attendez-vous?
– C’est plutôt l’aboutissement de tout ce que nous avons déjà mis en place en matière de développement durable. Le programme Swisstainable va maintenant nous permettre de mettre en place des procédures et d’avoir une ligne pour le futur. Nous allons aussi pouvoir obtenir des labels, ce qui est une bonne manière de faire connaître nos actions, que les gens ignorent souvent. Nous le faisons pour les touristes, car les labels sont un argument, mais aussi pour les habitants de Val de Bagnes, car nous avons une responsabilité politique et personnelle vis-à-vis des générations futures.

 

Propos recueillis par
Virginia Aubert

Christophe Maret.