De l’homme qui n’aurait jamais marché sur la Lune…

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PRESSE IMMOBILIèRE - Dossier brûlant

«Immorama» explore les ressorts secrets du complotisme

24 Avr 2024 | Culture, histoire, philosophie

Nous sommes entrés dans l’ère du complotisme, constate la revue bi-annuelle Immorama dans son édition du printemps, qui vient de paraître. Mais d’où vient ce besoin de vouloir expliquer tous les événements politiques ou sociaux par d’obscures manipulations, aussi invisibles qu’omnipotentes?

… à l’épidémie de Covid, ce ne sont pas les sujets de complots qui ont manqué.

C’est une revue tirée à 250 000 exemplaires et distribuée gracieusement dans le canton de Genève et dans une large partie du canton de Vaud. Editée par le groupe SPG, elle explore avec une grande liberté les problèmes de toute sorte – politiques, économiques, sociaux, urbanistiques, culturels – qui se posent dans notre coin de pays.
Fondée par feu Thierry Barbier-Mueller, décédé brusquement il y a bientôt deux ans, et dirigée désormais par ses deux filles, Marie et Valentine, qui lui ont succédé à la tête du groupe SPG, «Immorama» explore dans son nouveau numéro le thème le plus actuel et quelque part le plus troublant qui soit: l’irrésistible essor du complotisme.
«Comment se fait-il qu’une vérité admise par tous devienne brusquement suspecte?, demandent les deux dirigeantes du groupe dans leur éditorial. Par quel mécanisme une partie de la population pense-t-elle sincèrement que la Terre est plate ou que les attentats du 11 septembre 2001 ont été coordonnés par le gouvernement américain?». Vaste question, en effet, tant les affirmations de ce genre paraissent défier et même heurter carrément la raison. «Mais reste à expliquer, poursuivent-elles, ce besoin de chercher un dessein caché, une trame machiavélique derrière tout ce qui advient, de deviner une main invisible à l’œuvre autour de chaque événement. Est-ce le déclin des grands récits ou la crise de confiance en les autorités politiques qui motivent cette quête de sens et de cohérence à tout prix?».

Le complotisme sans queue
ni tête

Comme l’explique le dossier rassemblé par les plumes alertes d’«Immorama», le complotisme est un phénomène ancien qui s’est accentué brusquement avec l’avènement des réseaux sociaux. La parole s’est libérée, elle s’est fractionnée, démultipliée, amplifiée, et c’est désormais une rumeur permanente qui s’ébroue dans tous les sens et à propos de tout. C’est une machine infernale, un poulet sans tête, une espèce de délire d’autant plus irréfutable et arrogant qu’il refuse de se soumettre à la démarche classique de l’administration des preuves, puisque ces preuves, par définition, auront été cachées, camouflées, escamotées, endommagées, manipulées, détruites…
Comme l’avait dit un pseudo-historien anglais, David Yallop, à propos de la mort subite de l’éphémère pape Jean-Paul 1er, le 28 septembre 1978, à 65 ans seulement, «la preuve qu’il a été assassiné, c’est qu’il n’y a pas de preuve».
Car comme l’explique à Thierry Oppikofer Pascal Wagner-Egger, enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’Université de Fribourg et auteur d’un livre sur ce thème, «Psychologie des croyances aux théories du complot, le bruit de la conspiration» (Editions Presses universitaires de Grenoble), «il faut évidemment distinguer entre le complot, entente secrète d’un groupe de personnes aux desseins malveillants, et les théories du complot qui sont des accusations et surtout des croyances sans preuve concrète».

Des complots dans tous les styles

Complots historiques (les «Protocoles des Sages de Sion» en Russie en 1903, le maccarthysme aux Etats-Unis, l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021); complots politiques (le meurtre de JFK, le 11 septembre, la mort de Lady Di); complots scientifiques aussi (l’homme n’a jamais marché sur la Lune, l’épidémie de Covid a été déclenchée sciemment par l’industrie des vaccins), des conspirations çà et là, aux quatre coins de la planète… Une douteuse relecture de l’histoire qui montre peut-être aussi, à sa manière, que comme disait l’écrivain anglais Chesterton, surnommé «le prince des paradoxes», l’homme qui a perdu la foi et qui ne croit plus en rien est prêt à croire n’importe quoi.
Eclectique et curieux de tout, le magazine «Immorama» s’intéresse aussi aux arbres qui rafraîchissent le climat, au pouvoir des fleurs, à la place de la Suisse dans le monde de l’art et des enchères… Et puis, ne serait-ce que pour rêver, un dense cahier immobilier présente, à la location ou à la vente, de magnifiques appartements, des maisons pleines de charme et des propriétés sublimes.

 

Robert Habel