Vivre nuit gravement à la santé

Parmi les bienfaits de l’électromobilité, il y a les découvertes que l’on fait incidemment sur les ondes radio. Eh oui, lorsqu’il s’agit de prendre quelques dizaines de minutes de pause forcée sur un long trajet afin de recharger la batterie de l’auto, je m’occupe comme je peux. Il y a le nettoyage de ma boîte d’e-mails, la lecture de la presse du jour ou un bouquin. Et parfois, il m’arrive d’écouter la radio et zapper entre les différentes stations pour tuer mon ennui. Ce jour-là, je tombe sur une station française bien connue, en plein milieu d’un coupure de publicité. Cette dernière vante un véhicule électrique et à la fin du spot le commentaire suivant est diffusé: «Pour vos déplacements courts, privilégiez la marche ou le vélo.» Mon sang ne fait alors qu’un tour, mes yeux s’écarquillent et j’éclate de rire. Comment en est-on arrivé aussi loin dans l’assistanat? A ce rythme, les voitures thermiques auront-elles bientôt sur le capot avant un calicot «Me conduire tue» et sur la vitre arrière l’image d’un pot d’échappement fumant ou celle d’un goéland englué dans une nappe de pétrole, à l’instar des paquets de cigarettes qui affichent des fœtus atrophiés ou des poumons goudronnés?

«Prévenir, c’est guérir», dit l’adage. Certes, mais comme le dit un autre, «où l’abus commence, l’utilité cesse». Pour les messages de prévention aussi, si on souhaite qu’ils restent efficaces. Depuis le temps, on sait que manger gras et sucré, même si c’est bon, fait grossir. Que la consommation excessive d’alcool, si elle enivre et désinhibe, détruit le foie. Que fumer est dangereux pour soi et son entourage, tout comme le dérèglement climatique paraît difficilement contestable. Au même titre que toute «verte» ou exempte de CO2 localement qu’elle soit vantée, la voiture pollue, peu importe sa propulsion. A quoi bon le rabâcher sans cesse? S’agit-il de convaincre encore plus les convaincus? Une fois pour toutes, non, il ne sera pas possible d’éradiquer la mobilité individuelle. Elle fait partie de notre identité et de notre culture au même titre que la fondue, la tarte à la crème, l’apéro ou un bon cigare entre amis.

Sur ce, je vous laisse à la lecture de ce nouveau numéro de Contact!, au bureau, au resto, aux toilettes ou en chargeant votre véhicule électrique. Pendant ce temps, je fonce à la Maternité du coin voir s’il est affiché sur ses murs «Vivre nuit gravement à la santé», puisqu’on finit tous par mourir. 

Jérôme Marchon