Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Le roi est nu!
D’aucuns non seulement
minimisent l’effet délétère
du wokisme, mais encore
prétendent que le terme
woke fait beaucoup de bien
au débat.
On se souvient peut-être du conte d’Andersen «Les habits neufs de l’empereur». La trame est simple: un empereur amateur de belles parures se fait approcher par deux escrocs qui lui proposent, moyennant forte finance, de lui confectionner un habit supérieur à tout ce qu’il connaît. Cependant, non seulement les couleurs et le motif seront exceptionnels, mais ces vêtements posséderont l’étonnante propriété d’être invisibles aux yeux de ceux qui sont incompétents dans la fonction qu’ils exercent ou qui sont simplement idiots. L’empereur intéressé accepte de payer; les bougres empochent l’argent, mais ne cousent aucun habit.
A chaque fois que l’empereur impatient envoie un émissaire auprès des escrocs, il ne voit évidemment rien mais revient, de peur d’être suspecté d’incompétence, avec des propos dithyrambiques à leur sujet. Las d’attendre, l’empereur se rend lui-même sur place, ne voit rien mais s’extasie néanmoins devant le vide, craignant d’être pris pour un imbécile. Il passe ses habits, se promène nu dans les rues, tout le monde s’extasie, à part un enfant qui s’étonne de le voir déambuler tout nu. Le mot et lâché, qui se répand: l’empereur est nu!
Il en va ainsi du wokisme: tout le monde voit clairement les méfaits qu’il produit dans notre société et l’érosion rapide de multiples domaines comme l’école, les médias, l’Université, la politique, mais personne ne le dénonce de peur de passer pour un affreux réactionnaire raciste, un conservateur attaché à un vieux monde décati: le patriarcat. Quelle horreur! Il faut donc être moderne à manger du foin, détourner le regard devant le danger que ce puissant courant représente; on est prêt à chambouler les règles de la langue pour modifier les représentations des mots, on est prêt à tout accepter pour ne pas affronter les tartufféministes et leur rhétorique d’intimidation. Et même, d’aucuns non seulement minimisent l’effet délétère du wokisme, mais encore prétendent que le terme woke fait beaucoup de bien au débat.
Or pour qui porte un regard sain, il n’y a qu’un constat: le roi est nu!
Courrier des lecteurs
Un langage choquant
Réaction à l’article de Jean-Marc
Vaudiau «Les quatre vérités», No 140, du 16.10.24.
La tribune de Jean-Marc Vaudiau intitulée «La remigration» m’a inspiré un grand dégoût. De langue maternelle allemande et lectrice de médias alémaniques et allemands, je constate que son auteur ferait beaucoup d’honneur au parti Alternative für Deutschland (AFD). Le terme de «remigration», les expressions «diluer l’identité des peuples» et le renvoi de la «racaille», peu importe son passeport, sont les revendications phares de ce parti qui s’inspire directement du langage tenu sous le 3e Reich. Et du langage aux idées même, il n’y a qu’un petit pas à franchir. C’est pour cela entre autres que l’AFD a été classée à l’extrême droite par les tribunaux allemands et qu’elle est surveillée par le «Verfassungsschutz» (service de renseignement). Le fait que le vocabulaire de l’AFD soit repris en français dans le texte ne change rien à son caractère abject.
Il convient de rappeler que Martin Sellner, défenseur non pas allemand, mais autrichien, de la fameuse «remigration» – et grand ami de l’AFD bien sûr – a été récemment interdit d’entrée sur sol helvétique par la police fédérale suisse. Au bout du lac Léman, cette information semble être passée complètement inaperçue, au point que l’on peut y reprendre, sans complexe aucun, le langage «brunâtre» de ces défenseurs d’identité.
Marianne Derron, Neuchâtel
Réponse de Jean-Marc Vaudiau
Chère lectrice, chère Madame,
Le rôle d’un chroniqueur est de parler de son temps, tel est le domaine de «chronos». Le temps que nous vivons est tourmenté, et le chroniqueur se doit d’y plonger pour mieux le comprendre et le faire comprendre. Pour cela, il doit être libre de ses sujets. Cette liberté n’implique pas qu’il dise n’importe quoi, mais qu’il puisse dire ce qui préoccupe les gens, sans se sentir bridé par le déni de réalité qui peut parfois les habiter. Son point de vue à lui, chroniqueur, est encore autre chose.
Or il se trouve qu’en Europe, un courant de plus en plus marqué se fait jour dans certains partis politiques, ce courant s’appelle la «remigration». Il s’agit de considérer clairement ce qu’implique de renvoyer chez eux certains indésirables, comme je l’écris: «Il s’agit d’organiser le retour chez elle de tout une population qui n’a rien à faire en Europe: délinquants, déboutés, illégaux, clandestins, criminels, racaille, etc.». Je serais curieux de vous lire sur ce qu’il en est de cette phrase, la seule qui tente de circonscrire en quoi consisterait cette remigration, et qui correspond à ce que pense une large majorité de la population, à ce que je sais.