L’ÉDITO DE JÉRÔME MARCHON
Répit passager ou prémices d’une coexistence?
Nombreux sont les passionnés d’automobile – et j’en fait partie – qui ont craint l’avenir avec l’expansion de l’électrification parmi les marques les plus emblématiques de l’automobile. Certes, c’est toujours à marche forcée que l’offre électrique se déploie vers le haut de gamme comme les modèles plus accessibles, en dépit d’une clientèle réfractaire. Mais les progrès sont là, des paris osés sont pris et des modèles intéressants voient le jour comme la Lotus Eletre (voir p. VI).
Mais il faut bien le reconnaître, l’automobile de luxe n’a pas encore complètement tourné la page du thermique. Ferrari fait encore rugir un monstrueux V12 atmosphérique sous le capot de sa dernière diva, la 12cilindri (voir p. 8). Lamborghini conserve un V8 capable d’atteindre un régime de 10 000 tr/min, bien qu’aidé par trois moteurs électriques, dans sa nouvelle Temerario (voir p. IV). Sans parler d’Aston Martin, qui a tout simplement retourné son trench coat en ressortant du rebut son V12 biturbo, pourtant sacrifié en grande pompe il y a un an de cela sur l’autel de la fée électricité, et a ainsi motorisé son nouveau porte-étendard (voir p. IV). Même Bentley, qui ambitionnait de devenir la première marque de luxe à la gamme 100% électrique, a dû revoir sa copie, reportant à 2026 l’introduction de son premier véhicule électrique et de 2030 à 2033 l’électrification complète de sa gamme… les atermoiements au sein du groupe Volkswagen touchent enfin toutes ses marques. En attendant, les nouvelles Continental GT et Flying Spur embarquent un V8 plug-in hybride qui déborde de chevaux.
C’est donc un fait, malgré tous les efforts, le luxe peine à opérer sa transition. Et l’appétence relative pour l’électricité de cette clientèle – pourtant peu sensible aux dimensions prix et logistique de la problématique – cantonne majoritairement cette technologie au boost de performances qu’elle offre en s’associant à un bon vieux moulin thermique. Voilà qui permet également de préserver les émotions que procurent les vocalises d’un multicylindre en V, dimension incontournable dans ce segment.
Plus qu’un répit passager, il y a fort à parier que le moteur thermique continuera de jouer un rôle central dans ce segment, en coexistant avec les modèles à batterie seule à l’avenir. On ne peut que le souhaiter, pour autant que la politique ne se montre point trop dogmatique…
Jérôme Marchon