Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Valeurs ou principes
Respecter les principes
ne suffit plus, il faut montrer
patte blanche, se plier
au joug des ukases.
Tout le monde serine avec un zèle jubilatoire: «Respectez donc les valeurs, nos valeurs, mes valeurs!». Les valeurs? Certes, mais commençons par un détour avec une question simple: pourquoi faudrait-il s’arrêter à un feu rouge?
L’homme primaire pense qu’il lui faut s’arrêter parce que s’il passe, il aura une amende salée ou que la police lui fera des misères. Dans son calcul de la balance des ennuis, il préfère s’arrêter. La cause de l’interdit est extérieure à ce sujet. L’homme responsable, lui, s’arrête parce que s’il passe, il risque de mettre en danger les usagers qui ont leur plein droit de passer. Son sens des responsabilités lui enjoint d’obéir à l’interdiction du feu rouge. Ici encore, la cause est externe. L’homme sage, lui, s’arrête parce que cette interdiction correspond à sa volonté intérieure. C’est de lui-même qu’il décide librement de s’arrêter, et le feu rouge n’est que la marque extérieure d’un choix personnel, car il est sujet de son propre agir.
Mais quelle que soit la raison, l’important est que ces automobilistes s’arrêtent au feu rouge et on ne demande pas au personnage primaire de se changer en sage philosophe, ni l’inverse. On demande à chacun qu’il s’arrête au bon moment. C’est tout et c’est suffisant. Tel est le fonctionnement de la démocratie: on s’intéresse au respect du principe et non pas aux valeurs que chacun défend.
Aujourd’hui, les choses se sont perverties. Pour évoluer, il est impératif de partager avec les gardes rouges du vivre-ensemble les «justes» valeurs, c’est-à-dire leurs valeurs. Celles serinées par les partis politiques phares, les médias, les Universités devenues méconnaissables, le monde du spectacle et ceux qui se donnent pour des gens «moraux». C’est sans équivalent dans l’histoire. Respecter les principes ne suffit plus, il faut montrer patte blanche, se plier au joug des ukases. En fait, sur les deux plans, notre liberté tend à disparaître: sur le plan des principes d’une part, parce que le contrat social est d’accepter de limiter notre liberté; et sur le plan des valeurs d’autre part, parce que pas de salut hors de la religion bien-pensante.